N° 1120 | Le 3 octobre 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Fonctionnements autistiques chez l’adulte

Michel Brioul


éd. Chronique Sociale, 2012 (448 p. ; 25 €) | Commander ce livre

Thème : Autisme

Voilà un ouvrage à ne pas rater. Et ce, pour au moins trois bonnes raisons. Tout d’abord, parce qu’on y trouve une description particulièrement réaliste de ce qui pourrait bien se passer dans la psychose et les différentes formes d’autisme. Normal, rencontrant régulièrement les patients qu’il décrit, l’auteur sait de quoi il parle. Ensuite, parce qu’il plonge son argumentaire dans une large culture théorique. Les schémas conceptuels élaborés au fil du temps ne semblent plus avoir de secret pour lui, le souci didactique avec lequel il en rend compte n’ayant d’égal que l’étendue de ses connaissances. Enfin, last but not least, parce qu’il fait preuve d’une saine humilité et d’une véritable ouverture d’esprit.

Michel Brioul est psychanalyste et défend ses convictions. Pour autant, aucune trace, chez lui, de la moindre prétention à détenir une quelconque vérité. Tout au contraire, son propos est parcouru d’appels au questionnement sans cesse renouvelé, à l’absence de toute réponse définitive et au manque à savoir.

Le tableau qu’il nous dresse, d’abord, de ce qui se passe tour à tour ou concomitamment à travers la psychose permet de se représenter ce que vivent les patients : l’image que le sujet se fait de lui-même est imprégnée par une absence du sentiment continu d’exister, une confusion du dedans et du dehors, une inconstance dans l’image de son corps fortement marquée par la sensation d’éclatement, de soi dispersé, de démantèlement, de porosité et de morcellement. Le rapport à l’autre est dominé par l’indifférenciation, la disjonction du temps, le risque éprouvé d’être détruit par l’irruption soudaine d’éléments étrangers, la crainte de ne jamais être assuré de la permanence ni de l’intégrité de la réalité et une sensorialité noyée dans un bric-à-brac de brindilles grossièrement assemblées et mal colmaté. Le patient est traversé par l’impression de ne jamais savoir si ce qu’il perçoit émane de lui-même ou de l’extérieur. Il est dans une confusion permanente entre la pensée et le concret, l’imaginaire et le tangible et toute stimulation est potentiellement vécue comme une agression douloureuse qui ne peut faire l’objet d’un quelconque contrôle.

Michel Brioul consacre une longue partie de son ouvrage à présenter ce qu’il nomme la boîte à outils théorique susceptible d’apporter des pistes de compréhension, décrivant pour ce faire l’arsenal conceptuel d’une douzaine de psychanalystes. Pour autant, il écarte toute réponse univoque, revendiquant la nécessité d’une prise en charge multidimensionnelle et considérant que tout diagnostic ne peut être que collectif, se devant d’articuler le thérapeutique, l’éducatif et le pédagogique, les équipes, les patients et les familles. Il met toutefois en garde contre la tentation de chercher des résultats tangibles, immédiats, qui serait guidée par la volonté de faire disparaître toute conduite indésirable.


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