N° 1283 | Le 10 novembre 2020 | Par Jean-François GOMEZ | Espace du lecteur (accès libre)
C’ÉTAIT l’année 1968, la dernière année de formation à l’institut pédotechnique de Toulouse qui formait des éducateurs. Deux stagiaires éducateurs voulurent effectuer le stage long qui suivait à l’époque l’année théorique au Centre d’Observation de Vitry-Sur-Seine : Elisabeth Albès et moi-même. Je fus affecté à un groupe de « petits moyens » entre 10 et 12 ans particulièrement difficiles. Rencontre inoubliable avec le travail de l’équipe de psychothérapeutes d’enfants animée par Georges Amado, disciple de Georges Heuyer. Le lieu - un grand parc plein d’arbres et de plantes rares - était splendide. Confrontation avec des modèles d’éducateurs que je n’avais jamais rencontrés ailleurs, très engagés et avides de savoir, très syndiqués aussi. Le travail thérapeutique au niveau des enfants était très investi et la réflexion sur les limites du travail éducatif et du travail psy constamment examinée, articulée. Je n’ai jamais oublié la leçon. Beaucoup profitaient des occasions qu’offrait la capitale pour suivre des cours, des formations et des séminaires, une ruche. Les débats étaient puissants, très politiques aussi, c’était l’époque. Parmi eux Maurice Capul qui allait prendre la direction de l’école d’éducateurs de Toulouse et quitter celle de BUC-Versailles (ce n’était pas le temps des IRTS) et que je rencontrais à peu près tous les jours dans la salle à manger du personnel avec sa femme Susanne, qui travaillait à Vitry comme thérapeute. J’avais entendu parler de Capul et de ses recherches grâce au cours fameux d’André Chaurand sur les « couples éducatifs ». Nos conversations m’amenèrent à lui demander s’il pouvait suivre mon travail de mémoire. Je le vis deux ou trois fois à Versailles au cours d’entretiens personnels très efficaces. Il m’impressionnait, évidemment, s’intéressant à mon travail car j’y comparais, à travers ma propre expérience, les processus de formation très accompagnés (comme à Vitry) et ceux où le stagiaire était mis directement en position de responsabilité et devait apprendre à nager tout seul. Mon mémoire ne valait pas grand-chose. Capul ne me décourageât pas, ni me jugeât, m’apportant des éléments de réflexions et une hauteur de vue qui me manquait. Avant son départ, j’eus le temps de voir le travail remarquable qui avait été impulsé dans l’école de Buc et qui fut repris par Guy Dréano. Notamment, les « conseils pédagogiques », ces entretiens hebdomadaires sous forme de supervision par un professionnel expérimenté qui recevait les stagiaires en relation individuelle. Ce travail obligatoire d’un an s’ajoutait à celui des « accompagnateurs de stage » dans le lieu institutionnel. Je me maintins donc dans les traces de Maurice Capul en suivant ces entretiens dans l’école de Buc, en tant qu’élève de Toulouse ; puis assez vite, une fois diplômé, je me trouvais de l’autre côté, à mon tour, comme « conseiller pédagogique » de l’école. Pour cela, il fallait se former pendant un an. J’ai fait ce cursus qui s’ajouta à la formation, alors obligatoire, d’accompagnateur de stage sur deux ans, suivie d’un mémoire. On ne plaisantait pas avec le savoir, à cette époque. Pour moi, ce fut un moment inoubliable. Ce n’est que plus tard que j’eus l’occasion de lire les ouvrages de Maurice Capul, ce qui ne fit qu’augmenter mon admiration. Il fut pour moi un « passeur d’humanité ». Après Vitry, je l’ai revu de loin en loin, mais très peu et je le regrette. Je crois qu’il fait partie de ceux qui m’ont appris que je faisais un vrai métier et que ce métier n’avait rien d’approximatif, qu’il devait s’apprendre toute la vie.