N° 823 | Le 11 janvier 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les relations sexuelles entre personnes de même sexe ont des fonctions sociales et des significations personnelles différentes selon les sociétés. Dans la majorité d’entre elles, le genre masculin ou féminin doit se calquer sur le sexe mâle ou femelle. Il a pourtant existé d’autres manières de concevoir cette relation en donnant priorité au genre sur le sexe. Chez de nombreuses populations amérindiennes, on était reconnu non en fonction de son apparence charnelle, mais de la façon dont on se ressentait. Une femme se sentant homme était considérée comme un homme (et inversement). La tradition occidentale a depuis longtemps figé l’organisation des rôles dans un ordre moral matrimonial qui n’admet la sexualité que dans le cadre du mariage, excluant toute autre de ses manifestations. Cette coutume a été largement bousculée par l’émergence des mouvements féministes, entraînant dans leur sillon les revendications gays et lesbiennes.
Aujourd’hui, il est largement admis que l’on puisse distinguer entre sexualité et procréation d’un côté, entre couple conjugal et couple parental de l’autre. Quand a surgi la question des familles homoparentales, nombre de résistances se sont manifestées. Et puis la réalité s’est progressivement imposée : évalués à 100 000 en France, les enfants élevés par un couple homosexuel n’ont pas semblé manifester de troubles spécifiques. La crainte de les voir se détourner systématiquement de l’orientation hétérosexuelle n’a pas été démontrée. La nécessité absolue pour s’épanouir de bénéficier d’un père-homme et d’une mère-femme ne s’est pas vérifiée. L’appartenance des deux parents au même sexe n’interdit pas la différenciation des places. L’ostracisme visant des enfants qui seraient rejetés par leurs camarades du fait de leur famille atypique ne s’est pas concrétisé aussi souvent qu’on pouvait le craindre.
Au contraire, se sentir humain à part entière, en dépit du regard social critique a pu constituer un atout pour développer des ressources psychiques et mentales. L’absence de représentant de l’autre sexe a pu être compensée par les membres du cercle familial ou amical (comme cela se passe déjà pour les familles monoparentales). Bien sûr, reconnaît l’un des auteurs, « seules des recherches longitudinales bien conduites sur deux ou trois générations, permettront d’y voir plus clair. » (p.295). Pour autant, le sexe et l’orientation sexuelle des parents ne sont pas des variables importantes pour déterminer la valeur d’une famille. Ce qui compte pour mener un enfant à l’âge adulte dans de bonnes conditions, c’est un certain nombre de critères comme être à deux, n’être ni malade, ni déprimé, avoir un travail stable et avoir accompli un travail psychique de parentalité qui permet de désirer l’enfant pour lui et non pas pour colmater des souffrances, des frustrations ou des deuils d’adultes. Toutes choses que l’on peut, convenons-en, retrouver ou pas et ce, quelles que soient les formes familiales.
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