N° 636 | Le 3 octobre 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

Images et discours sur la banlieue

Sous la direction de Marilia Amorim


éd. érès, 2002 (198 p. ; 21 €) | Commander ce livre

Thème : Banlieue

L’image photographique ou cinématographique, surtout lorsqu’elle se donne pour objectif de parler de la banlieue, ouvre de multiples perspectives. Un peu comme un texte dont les mots diversement combinés peuvent exprimer une multitude de sens, le discours photo ou vidéo ne s’exprime, en réalité, que dans la rencontre avec le spectateur. En effet, celui qui regarde les images n’est jamais un simple sujet passif. C’est bien lui qui attribue aux images proposées telle ou telle signification et, à ce titre, il devient un véritable co-auteur de ce qui se donne à voir.

Cependant, les projets des producteurs d’images s’inscrivent dans des logiques différentes. L’artiste, souvent, explore les confins de la ville et suggère des « non-lieux », des espaces en attente ou plutôt en latence. Ces espaces incertains, accidentés pour la plupart et parfois accidentels témoignent d’une réalité étrange par bien des aspects. Mais ces fragments figés sur la pellicule demeurent signifiants justement dans la mesure où ils restent ouverts à l’interprétation. Le propos du journaliste reporter est généralement plus orienté. Il s’agit comme le remarque la psychologue Marilia Amorim de « nommer, symboliser, avancer des hypothèses et des solutions pour ce qu’on pourrait appeler le malaise de la civilisation française ». Le thème de la création culturelle comme seule possibilité d’échapper à la délinquance, à la drogue et comme unique support d’affirmation identitaire positive est également récurrent. Le hip hop et le rap des banlieues évoquent alors la Capoeira des esclaves noirs du Brésil, danse ludique créée dans un mouvement de résistance à l’oppresseur.

Mais l’image véhicule aussi un pouvoir. Pour tenter de s’en défaire, une pédagogie de l’image qui mobilise une capacité de lecture critique des informations circulant à travers les médias s’avère nécessaire. Une expérience en ce sens est en cours dans une banlieue de Rio de Janeiro. Elle concerne de jeunes adolescents à qui est offerte la possibilité de s’approprier le langage cinématographique à travers la réalisation de petits films ayant pour thème leur propre vie. L’objectif est de faire prendre conscience à ces jeunes que l’image n’est pas le monde mais seulement un point de vue, souvent particulièrement bien construit, sur le monde et qu’en conséquence il convient de relativiser ce qui est montré. Cette prise de distance est le préalable nécessaire pour se protéger contre les effets insidieux produits par cette énorme quantité d’images répandue sans discontinuer par la civilisation moderne.


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