N° 995 | Le 25 novembre 2010 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Voilà un coup de gueule bienvenue ! Rosemonde Pujol, avec une douzaine d’ouvrages à son actif, livre ici son dernier témoignage ; la mort l’ayant surprise à trois jours de son 92éme anniversaire, avant la publication de son ultime ouvrage. Pendant longtemps, le trou de la Sécurité sociale fut de la responsabilité des longues maladies, des fumeurs, des alcooliques, voire des accidentés de la route. Aujourd’hui, ce serait les vieux qui en seraient la cause. Et, c’est vrai que si 13 % de la population avait plus de 65 ans en 1970, la proportion est passée aujourd’hui à plus de 16 % et sera de 26 % en 2050. De quoi nous inquiéter.
Mais, s’insurge l’auteur, ce qu’on oublie un peu vite, c’est que les personnes âgées rapportent bien plus qu’elles ne coûtent. Par quelle étrange opération, toutes les assurances contractées sur l’habitation, les véhicules à moteur ou les voyages seraient-elles les seules à avoir un impact positif sur le revenu national, alors que l’assurance retraite n’en aurait pas ? Les pensions perçues par les vieux sont issues de cotisations qu’ils ont financées durant des décennies. Et ce sont des ressources qui sont réinvesties dans l’économie. Les cinq millions de personnes de plus de 70 ans, tout autant que les 20 000 centenaires se chauffent, s’alimentent, se déplacent, accroissant d’autant le produit intérieur brut.
Professionnels de santé, aides ménagères, chercheurs en molécules diverses et variées, constructeurs de maison de retraite, fabricants de couches pour incontinence ou de fauteuils roulants, toute la population au service de la survie des plus âgés aurait un manque à gagner considérable, s’il n’y avait pas tous ces vieux à soigner et à accompagner. Sans compter le vaste marché de la dépendance ou de la semi-dépendance : 700 000 lits spécialisés, à raison de 80 à 90 € par jour, cela rapporte ; tout comme cette allocation personnalisée d’autonomie (APA) qui donne du travail à deux millions de personnes.
Chaque retraité restitue l’équivalent d’un mois de pension de retraite à son banquier (pour les intérêts d’emprunts), un mois sous forme d’impôts indirects (19,6 % de TVA sur la crème à 4 € ou sur une journée de clinique) et un autre mois en impôt sur le revenu. Et puis, les papys et mamys d’aujourd’hui ne sont plus ces grands-parents qui attendaient la mort, au coin du feu. Les nouveaux vieux s’épanouissent dans des activités associatives, qu’ils peuvent assumer grâce au prolongement de leur espérance de vie. Deux à trois millions de retraités bénévoles, apportant 20 millions d’euros de cotisations, cela représente un accroissement non négligeable de la richesse nationale. Les vieilles carcasses sont donc, effectivement, particulièrement juteuses.
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