N° 788 | Le 9 mars 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le complexe d’Œdipe sans jamais oser le demander se trouve sûrement dans cet ouvrage. L’auteur fait œuvre de pédagogie, détaillant d’une façon très didactique le concept central de Freud. Il nous présente tout d’abord le scénario du petit garçon. J’ai 4 ans. Je sens des excitations au niveau de mon pénis. Je me crois omni-puissant. Je désire à la fois posséder sexuellement mes parents, être possédé par eux et supprimer mon père. J’ai plaisir à fantasmer mes désirs incestueux. Mon père me menace de me punir en me châtrant. Angoissé, je préfère renoncer à désirer mes parents et sauver mon pénis. J’oublie tout et fais mienne leur morale.
La petite fille, quant à elle, n’est pas en reste ! J’ai 4 ans. Je sens des excitations au niveau de mon clitoris. Je me crois omni-puissant. Je désire posséder ma mère. Mais je m’aperçois que je n’ai pas de phallus et j’en souffre. Je me tourne vers mon père pour qu’il me le donne. Je veux être sa préférée. Je veux qu’il me possède. Celui-ci refuse. Je deviens femme et me tourne vers un autre homme. Je découvre mon sexe et le désir de porter un enfant de mon compagnon.
Les scénarios décrits ici, s’ils n’avaient pas été banalisés depuis des décennies, pourraient apparaître comme totalement chimériques et abracadabrantesques. L’auteur nous le confirme : « Le fantasme œdipien est une hypothèse, une construction de l’esprit […]. En fait, l’Œdipe n’est pas toujours un phénomène observable ni une hypothèse vérifiable. La psychanalyse n’est pas une science du comportement. Non. Il faut prendre l’Œdipe comme un schéma théorique efficace ayant un impact indéniable dans la vie affective d’un individu et dans notre culture. C’est à proprement parler un fantasme et un mythe » (p.111). Cette figure permet aux thérapeutes psychanalystes d’identifier les origines des troubles psychiques.
La souffrance d’un névrosé s’explique par son besoin de répéter compulsivement la même situation dans laquelle il a subi l’impact d’une angoisse traumatique survenue en pleine période de l’Œdipe. Les phobies ? Elles proviennent de l’abandon réel ou imaginaire qui frappe l’enfant d’une immense détresse. Les obsessions ? Elles sont le produit du fantasme de maltraitance ou d’humiliation. L’hystérie ? Elle est l’aboutissement de l’intense et suffocant plaisir ressenti à la suite d’un contact trop sensuel avec un adulte. La phobie ? C’est le résultat de la projection de l’angoisse de castration sur le monde extérieur. L’important est et reste de prendre conscience que « nos conflits quotidiens proviennent du fait qu’au sein de nos sentiments les plus nobles et les plus chastes à l’égard de ceux que nous aimons, s’agitent nos désirs sexuels incestueux » (p.139).
Que cet échafaudage conceptuel permette à certains de mieux vivre, nous voulons bien le croire. Même si bien d’autres écoles psychologiques, partant de postulats différents, y arrivent tout autant. Mais qu’il puisse prétendre établir scientifiquement ce qu’est le fonctionnement psychique humain est déjà bien plus aléatoire.
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