N° 1145 | Le 10 juillet 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
L’action médico-sociale au service des personnes handicapées
Sous la direction d’Élisabeth Zucman
Les personnes affectées d’un handicap ont connu, au cours des dernières décennies, une notable évolution de leur statut. Tout a commencé par leur enfermement dans des hospices aux côtés des vagabonds, des indigents, des pauvres, des mendiants, des vieillards et des malades.
Puis, à l’orée des années 1960, de grandes associations telles l’APF, l’Unaei ou l’Apajh sont financées par l’État providence pour couvrir le pays d’établissements regroupés dans de véritables filières médico-sociales s’adressant chacune en particulier à une typologie de déficience. Cette logique du placement qui s’est substituée à celle de l’enfermement va, à son tour, céder devant un troisième paradigme : celui du service. Il ne s’agit plus de placer les personnes mais de leur offrir un accompagnement privilégiant, autant que faire se peut, leur maintien à domicile. Quatrième étape de cette évolution : la logique de réseau, créant autour de la personne un dispositif souple et réactif s’adaptant à son mode de vie et tentant de répondre aux situations (sur) handicapantes.
Pour autant, cette évolution positive vers moins de prise en charge et plus de prise en compte et de prise en considération se heurte à toute une série de dysfonctionnements qui en pervertit la portée. Élisabeth Zucman et ses co-auteurs nous proposent ici un état des lieux qui, sans être exhaustif, n’en est pas moins précis et détaillé. C’est cette discordance entre les rythmes ralentis de la personne souffrant de vieillesse ou de déficience et ceux des aidants familiaux et des professionnels trop souvent tendus par l’urgence. Ce sont ces troubles de la communication qui ne permettent pas toujours de bien comprendre les désirs, les demandes et les besoins des populations les plus fragilisées.
C’est cette désappropriation de soi-même qui fait penser et agir à leur place. C’est cette discontinuité relationnelle des personnels se succédant là où la permanence du même accompagnateur serait infiniment plus stabilisante et sécurisante. C’est cette organisation interne trop souvent rigidifiée et morcelée des équipes professionnelles qui nuit à la cohérence de leur intervention. C’est ce risque de ghettoïsation lié à une trop grande homogénéisation des publics reçus. C’est l’éloignement des directions des grandes associations par rapport aux réalités de terrain. C’est l’acharnement à rationaliser et à rentabiliser l’action quotidienne des administrations, agences et instances de financement, source de déshumanisation à bas bruit. C’est cette carence de formation continue des professionnels, responsable en partie de leur épuisement.
Aucun renouveau, permettant de progresser dans une approche respectueuse de la dignité des personnes avec handicap, ne pourra intervenir sans la prise de conscience de toutes ces dérives. Élisabeth Zucman conclut en proposant douze pistes pour y répondre.
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