N° 1085 | Le 6 décembre 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

L’action sociale a-t-elle encore un avenir ?

Pierre Savignat


éd. Dunod, 2012 (215 p. ; 19,90 €) | Commander ce livre

Thème : Politique sociale

Si les ouvrages de bilan et de prospectives ne manquent pas, celui de Pierre Savignat fait partie de ceux à ne surtout pas manquer, tant il est limpide, argumenté et perspicace. Les enjeux sont posés avec clairvoyance.

D’un côté, il y a la théorie du marché organisateur du fonctionnement économique et social. Les profits réalisés aujourd’hui permettraient les investissements de demain et les emplois d’après demain. La protection sociale ne faisant que renchérir les coûts sur un marché de plus en plus concurrentiel (depuis 1970, elle est passée de 21 à 30 % du PIB), sa réduction aurait pour effet de rendre les entreprises plus compétitives et de responsabiliser les usagers.

De l’autre, une action sociale conçue dans l’après-guerre dans un pays ruiné où beaucoup devait être reconstruit et qui a servi, non de frein à l’économie, mais de moteur. Oui, la protection sociale coûte cher. Mais les prestations versées sont intégralement réinjectées, encourageant la consommation et donc la production. Ce n’est donc pas tant contre l’économie en général que joue le social, que contre une économie financiarisée, fondée sur la rémunération de très haut niveau des actionnaires et des profits à court terme. Sans compter que la croissance des dépenses incriminées, n’est pas liée à une inflation autoproduite, mais est en grande partie due aux conséquences des dysfonctionnements affectant les grandes fonctions d’intégration et de socialisation dont se rend justement responsable le marché. Pour autant, si le démantèlement de l’État social reste un objectif sur l’agenda néolibéral, il est loin d’être une réalité.

En comparaison des politiques menées en Grande Bretagne et aux USA à compter des années 1980, notre pays s’est montré très modéré et pragmatique, répondant aux besoins nouveaux par des dispositifs qui, pour n’être pas sans défaut, n’en ont pas moins le mérite d’avoir été créés (RMI puis RSA, CMU, APA). Nous sommes donc encore loin d’une politique sociale dominée par l’idéologie néolibérale. Ce qui ne signifie pas que cette influence ne soit pas à l’origine de dérives inquiétantes, à l’image de ces logiques instrumentales et technicistes visant à normaliser et à standardiser les pratiques professionnelles. L’objectif étant de maîtriser les dépenses, cela se fera au détriment de la réponse aux besoins et de la quête d’utilité sociale, du sens donné à l’action et du respect des missions initiales, la focalisation sur la satisfaction des seuls indicateurs quantitatifs présentant le risque de passer à côté de la mesure de l’impact réel et de la qualité.

L’auteur termine sa réflexion, en proposant trois scénarios d’avenir : le statu quo, une régression vers plus de néolibéralisme et la confirmation d’un modèle solidaire.


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