N° 682 | Le 16 octobre 2003 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Ce petit ouvrage permet de comprendre le rôle et les enjeux de cette fonction qui a pris beaucoup d’importance dans le cadre de la protection de l’enfance. Un mineur est considéré comme incapable juridiquement et doit donc être représenté en justice. C’est naturellement son administrateur légal (ses parents ou en cas de disparition de ceux-ci, son tuteur) qui joue ce rôle. Mais, dans certaines circonstances, cela ne peut pas se faire : quand les intérêts des parents s’opposent à ceux de l’enfant. C’est le cas par exemple, dans la procédure de désaveu de paternité pour lequel le code Napoléon (1804) avait prévu la nomination d’un tuteur ad hoc.
C’est la pratique notariale qui débouchera en 1910 sur une loi permettant de confier à un administrateur ad hoc la gestion d’un bien patrimonial (article 389-3 du code civil). La loi du 8 janvier 1993 étend cette compétence aux procédures judiciaires qui opposent le mineur à ses parents (article 388-2). La loi du 17 juin 1998 relative à la procédure des mineurs victimes permet au procureur ou au juge d’instruction de nommer cet administrateur ad hoc pour exercer les droits de la partie civile (article 706-50 du code de procédure pénale).
Cette évolution marque le passage d’une situation de l’enfant considéré comme incapable à celle d’une personne en devenir qui peut faire valoir ses droits et donner son avis. Le développement de ces prérogatives n’a pas été sans interroger sur d’éventuelles confusions entre le rôle de cet administrateur et celui d’un avocat ou d’un éducateur. Il se distingue du premier en ce qu’il n’est pas là pour défendre l’enfant mais pour le représenter (agir en tout comme l’enfant le ferait, s’il était majeur). Il ne joue pas le même rôle que le second en ce qu’il ne s’implique pas dans le quotidien (au risque de se laisser prendre par les demandes immédiates au détriment de la défense de l’intérêt à long terme). Il dégage en outre le référent éducatif éventuellement présent d’une série de démarches particulièrement douloureuses, focalisant sur lui l’angoisse de l’enfant.
Pour autant, si la démarche de l’administrateur ad hoc relève d’une forme de tutorat juridique, cela n’exclut pas la bienveillance et l’empathie, l’échange et l’écoute : « Je pense qu’un administrateur ad hoc doit avant tout être humain, c’est-à-dire parler avec son cœur et sincèrement et non sortir des phrases d’un livre » témoigne Malika, bénéficiaire de cette aide. L’indemnisation de cette fonction est particulièrement symbolique, notamment quand on sait qu’elle peut s’exercer jusqu’à la majorité de l’enfant.
Quant à son contrôle, il est quasiment inexistant, l’autorité judiciaire donnant un véritable blanc-seing. Ce qui n’élimine pas d’emblée toute responsabilité civile face à la conduite de la stratégie engagée au moment du procès (qui peut avoir des conséquences différentes, selon qu’il y a désistement de l’action engagée ou acquiescement, décision ou non de recours etc.) ou la gestion des indemnités versées à la victime. Nouvelle fonction donc au carrefour des compétences juridiques, psychologiques et éducatives qui n’a pas fini de faire parler d’elle.
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