N° 641 | Le 7 novembre 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
Voilà un ouvrage en forme de réquisitoire contre l’école d’aujourd’hui et ses dérives « constructivistes ». Ce courant très en vogue depuis une vingtaine d’années s’oppose à la vision d’une transmission à sens unique des savoirs de celui qui sait en direction celui qui ne sait pas. Il défend l’idée d’un processus d’apprentissage presque spontané, quasi naturel, chacun se construisant de manière relativement autonome depuis son plus jeune âge.
L’auteur, enseignant d’origine américaine exerçant son art en France, voit dans l’évolution du système scolaire français une dangereuse contamination par le modèle américain. Celui-ci, basé essentiellement sur la recherche de l’épanouissement de l’élève, serait dénué de véritable préoccupation pour son instruction. Loin de l’étude studieuse et exigeante des disciplines fondamentales (maths, français, etc.), au mépris de la règle universelle d’enseignement (Expliquer, Exiger, Évaluer), nos chères têtes blondes seraient pratiquement livrées à elles-mêmes, abandonnées au nom d’une idéologie du laisser-faire, gravement menacées par le bavardage incongru de gourous irresponsables et par l’inconscience des plus hautes sphères de l’Éducation nationale. On aurait ainsi sacrifié les valeurs de base du système éducatif français et cela au nom d’une prétendue recherche de créativité ou encore dans le but de promouvoir un pseudo enseignement attractif, pluridisciplinaire et festif.
Autant dire, selon l’auteur, la chienlit ! Heureusement, dans cette affaire, les coupables sont connus. Il s’agit des intellectuels « imprégnés » de sociologie et de sciences de l’éducation et des hommes politiques de gauche qui ont relayé sans vergogne les discours incantatoires des premiers. « L’érosion de l’exigence par touches successives est le fil conducteur de toutes les instructions données, toutes les réformes entreprises par le ministère » apprend-on de source sûre. Alerte donc, formons nos bataillons ?
Mais, restons sérieux. Si le propos d’Élizabeth Altschull parvient à intéresser par moments, surtout lorsqu’il suscite chez le lecteur d’un certain âge quelques souvenirs nostalgiques à l’égard d’un temps désormais révolu, la critique systématique des méthodes actuelles irrite cependant. On aurait aimé moins de vindicte, plus de tempérance, un soupçon d’objectivité voire, pourquoi pas, un peu d’humour ? Mais de toute évidence le but de l’ouvrage est de provoquer ? une réaction salutaire, prétendra l’auteur. Hum, permettez-nous d’en douter.
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