N° 934 | Le 25 juin 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Fanny Guillon a décidé de faire mentir l’adage qui prétend que les travailleurs sociaux ne savent pas écrire. Et il faut dire qu’elle y arrive avec beaucoup de brio. Au choix du lecteur, son premier livre peut être lu soit comme un roman retraçant les différentes étapes d’un itinéraire singulier, soit comme un recueil de nouvelles.
Il met en scène la vie d’une assistante sociale, en tricotant habilement sa vie personnelle et son engagement professionnel. L’authenticité et l’intensité des portraits qu’elle nous peints s’imprègnent de l’expérience de terrain de l’auteure auprès des demandeurs d’asile, des SDF et des toxicomanes qu’elle côtoie quotidiennement. On sourit à la lecture de cette rencontre de l’assistante sociale avec l’homme invisible qui, été comme hiver, se présente emmitouflé parce qu’il est toujours frigorifié, se réchauffant en avalant des moustiques, des femelles de préférence, car elles sont remplies de sang. Mais le sourire se crispe et l’émotion monte au récit d’une confidence reçue dans une chambre d’hôpital, sur les horreurs vécues par une femme victime d’inceste.
Autant qu’en suivant le destin tant de ces SDF morts de froid, anesthésiés par l’alcool que de ces toxicomanes en mal de parentalité. Ou de ces face-à-face avec cette drôle de femme un peu déjantée qui n’a de cesse que de se vanter lors des entretiens de la violence extrême avec laquelle elle règle ses problèmes relationnels. Cette vie qui bouillonne, qui disjoncte, qui s’étale se télescope parfois avec le propre vécu de celle qui en est témoin. On peut toujours être assistante sociale, on n’en reste pas moins femme et mère, comme on a été enfant. Vivre, c’est aussi rencontrer parfois des difficultés à avoir un bébé, des moments où l’on est soi-même victime d’une agression, des soubresauts dans sa vie affective, voire assumer une séparation… On n’est pas fondamentalement différent des usagers qu’on accompagne.
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