N° 888 | Le 12 juin 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

L’emprise du genre. Masculinité, féminité, inégalité

Ilana Löwy


éd. La dispute, 2007 (277 p. ; 23 €) | Commander ce livre

Thème : Relations

Dans les années 1960/1970, les femmes occidentales semblaient sur le point d’accéder à une véritable égalité avec les hommes. Sans nier l’ampleur des changements opérés, on est encore loin du compte : la domination masculine n’est guère en voie d’extinction. Même quand elle est contrariée, elle montre de remarquables capacités de régénération. Si certains rôles originellement attachés à l’un ou l’autre des deux genres ont pu progressivement devenir plus flexibles, les identités sexuées restent toujours aussi rigides.

La prise de risque et l’agressivité au volant sont des attitudes communément attribuées aux hommes, quand la lecture de la collection Harlequin, le lifting et les tâches ménagères sont considérés comme typiquement féminins. Seule la masculinité est assimilée à la maîtrise, au pouvoir et à la capacité d’agir sur le monde extérieur. La féminité, quant à elle, « se résume aux fonctions sexuelles et reproductives, fonctions qui ne sont qu’un attribut parmi d’autres de la masculinité » (p.170).

L’homme a un sexe, quand la femme est un sexe. Le corset du XIXe siècle a été relayée au XXIe par l’obsession du poids : l’obligation est faite aux femmes de cultiver leur beauté, de préserver leur apparence et de retarder leur vieillissement. L’apparition des cheveux blancs, des pattes d’oie et des rides sont le signe chez l’homme de la maturité, de l’expérience, voire de la sagesse : plus ils sont puissants, plus ils sont séduisants. Il en va tout autrement chez la femme pour qui ces mêmes marques symbolisent le début du déclin : moins elles sont séduisantes, moins elles sont puissantes.

Comment expliquer cette stagnation d’un idéal d’égalité qui ne dépasse guère le stade des proclamations ? C’est que la société patriarcale subordonne les femmes de deux manières. Pendant très longtemps, ce qui a dominé c’est la soumission à l’autorité absolue du pater familias (ce qui continue encore aujourd’hui sous bien des latitudes). Ce qui l’emporte dorénavant en Occident, c’est l’intériorisation d’un certain nombre de valeurs considérées d’un point de vue essentialiste comme attachées naturellement au genre.

Le sexisme et le racisme ne s’expriment plus tant comme un système de croyance cohérent, mais comme un ensemble d’attitudes qui enferment les individus dans leur identité de groupe. « Un groupe discriminé qui a intériorisé la discrimination peut prendre une part active à sa perpétuation et réprimer les membres du groupe qui se révoltent contre les pratiques discriminatoires » (p.238). Si une poignée de femmes exceptionnelles, stimulées par les défis, arrivent à surmonter tous les obstacles, si d’autres encore bénéficient de l’entourage d’hommes refusant de s’inscrire dans le conformisme des genres, la plupart s’y soumettent.


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