N° 917 | Le 19 février 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il n’existe pas de criminels nés, ni de gène du crime, pas plus que de conditions socio-économiques qui induiraient automatiquement des passages à l’acte, affirme avec force Pierre Lassus. C’est du côté des conditions d’éducation qu’il faut aller chercher la source principale de la barbarie et de la sauvagerie avec lesquelles agissent tous les criminels en série. Moins l’environnement se montre protecteur, plus graves peuvent être les conséquences potentielles.
Bien entendu, les mauvais traitements subis dans l’enfance ne sont pas des prédicteurs infaillibles des comportements futurs : le sujet peut sublimer ce qu’il a vécu. Mais il peut tout autant être dans une répétition compulsive, la fracture autour de laquelle sa psyché s’est élaborée, ouvrant alors la voie au passage à l’acte. Parce qu’il peut y avoir intériorisation d’un scénario de vie constitué d’injonctions mortifères adressées par les géniteurs quand ils tentent, par exemple, de persuader l’enfant qu’il est mauvais par essence, qu’il a usurpé le droit d’être au monde ou qu’il serait bien inspiré de débarrasser l’humanité du poids insupportable qu’il représente. Parce que confronté au désamour, l’enfant est cerné par une haine d’autant plus insaisissable qu’elle provient de parents censés le protéger, mais n’ayant de cesse de lui en faire porter la responsabilité. Parce que la gravité psychique des destructions vécues peut lui interdire toute maîtrise de ses émotions et de ses comportements, et bloquer ses capacités d’empathie et de bienveillance envers autrui. C’est cette rencontre entre des réalités externes pathogènes et un fonctionnement interne ne pouvant suffisamment réagir ou se protéger qui peut provoquer le basculement.
Pour illustrer sa démonstration, l’auteur nous propose de multiples vignettes cliniques portant tant sur des tueurs en série « ordinaires » que sur d’autres qui ont eu des responsabilités de chefs d’Etat (Ivan le terrible, Staline, Hitler). Le détail de leur biographie permet de comprendre la logique qui les a amenés à reproduire, à plus ou moins grande échelle, les maltraitances qui ont structuré leur enfance. Pierre Lassus poursuit sa réflexion, en portant un regard critique sur les modalités de protection de l’enfance à l’œuvre. Si l’être géniteur est une réalité biologique, l’être parent n’est en rien un état, mais une fonction conférant un statut, dont le maintien est étroitement lié à la capacité à l’assumer. Il constate que la protection passive, celle qui consiste à mettre un terme à l’entreprise de destruction physique et/ou psychique de l’enfant par ses parents intervient bien souvent trop tardivement car on cherche, avant tout, à préserver leurs droits et que la protection active que constitue le soin est proposée trop rarement.
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