N° 818 | Le 23 novembre 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La protection de l’enfance aurait-elle fait faillite ? Entre les accusations de Maurice Berger et les affaires tant d’Outreau que d’Angers, on peut se le demander. Deux courants se distinguent dans cette pratique. D’un côté ceux qui préconisent la co-éducation avec des familles qui doivent être plus accompagnées que suivies, plus reconnues dans leurs compétences même partielles que stigmatisées et à qui l’on doit proposer des solutions de suppléance plutôt que de se voir substituées auprès de leur enfant. De l’autre côté, il y a ceux qui dénoncent l’idéologie du maintien des liens qui mène à sous-estimer la notion de risque, voire de danger, dans une volonté de privilégier à tout prix la contractualisation avec les parents, au détriment de mesures autoritaires seules à même parfois de vraiment réussir à protéger l’enfant.
Catherine Sellenet refuse toute logique sacrificielle qui amènerait à devoir choisir entre l’éviction des parents et le « tout parent ». Elle revendique au contraire un modèle mixte. Chaque époque a toujours dénoncé ce qu’elle considérait comme de mauvaises pratiques, tout en énonçant celles qu’elle estimait justifiées. Ce qui était considéré comme allant de soi hier est rejeté aujourd’hui à l’image de ces professionnels qui n’osent plus toucher les enfants, les câliner ou leur manifester leur affection, au risque de se faire accuser de pédophilie ! Certes, la famille reste la principale responsable des actes de maltraitance sur enfant, la mère intervenant dans 38,8 % des cas de maltraitance physiques, ainsi que dans 43,2 % des cas de maltraitance psychologique et le père dans 30,8 % des agressions sexuelles.
Pour autant, les modes d’appréhension de la réalité ont évolué. L’approche écologique permet d’élargir le champ des connaissances : en s’ouvrant à la multiplicité des facteurs issus de l’environnement, elle évite les explications simplificatrices. Il n’est plus question aujourd’hui de travailler sur les familles ni pour elles, mais avec elles, car elles sont considérées comme potentiellement perfectibles. Dans une société qui valorise l’autodétermination et l’individuation, l’accompagné reste celui qui doit se mettre au travail, trouver son chemin. « Celui qui accompagne serait alors une personne ressource auprès de l’auteur-acteur défini comme personne projet » (p.90).
Et si, finalement, la bientraitance n’était rien d’autre que le fait de prendre soin de l’autre, de savoir négocier avec les parents et d’entendre tant leur point de vue que celui de leurs enfants ? Cela implique de savoir se décentrer pour comprendre le système de référence de chaque famille, mais aussi de construire une relation d’alliance et de négociation afin de mettre en œuvre un processus de changement. Face au maintien coûte que coûte du lien et à la défense de l’intérêt de l’enfant qui agissent l’un et l’autre en miroir, on entrerait alors dans une troisième voie : l’intérêt pour l’enfant.
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