N° 714 | Le 24 juin 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Souvent décriée et pourtant largement plébiscitée, la famille continue à faire couler beaucoup d’encre. Universitaires, psychologues, philosophes, cliniciens, psychiatres et psychanalystes ont uni leur plume pour essayer de mieux comprendre la place qu’y tient l’enfant ainsi que le rôle qu’elle joue pour lui permettre de se structurer et de construire son avenir d’adulte. Quelle est donc alors la fonction de cette famille ? Cette institution extrait les individus de la biomasse anonyme pour les inscrire dans un ordre humain qui fixe les intersections possibles et les liens prohibés. Elle socialise l’enfant, en lui proposant des fonctionnements qu’il intériorise lentement.
La place des parents est essentielle dans ce processus. Et notamment celle du père qui contrecarre la relation fusionnelle avec la mère, enjoignant à la séparation tant physique que psychique, contraignant constamment à se détourner du risque d’absorption, à le contourner, préparant ainsi l’individualisation. La famille ne se réduit pas à un rôle qui se limiterait à la seule élaboration de relations sociales synonymes de contrat élaboré sur le mode mercantile du « donnant donnant », efficace et rationnel. Elle ouvre l’enfant au vivre ensemble et à l’apprentissage du don qui n’attend rien en retour, l’accueil d’autrui comme désir légitimement différent.
Pour autant, de multiples dysfonctionnements peuvent venir perturber ces orientations. C’est le cas lorsque l’enfant est porteur du désir de ses propres parents et se trouve investi de la responsabilité de les encourager, de les consolider, de les soutenir. C’est aussi le cas lorsqu’un lourd secret pèse sur l’histoire familiale sans qu’aucun mot ne vienne faire sens : face au vide psychique et à l’absence de paroles signifiantes sur la souffrance, l’enfant peut alors être amené à créer des contenus morcelés et fragmentaires qui s’introduisent dans la constellation traumatique de ses parents.
C’est encore le cas du comportement maternel surprotecteur qui peut, à certains niveaux, déclencher chez l’enfant un comportement d’hyperkinésie. Par contre, il n’y a pas d’effets pathologiques repérables dans la constitution de familles homoparentales : comme le démontrent toutes les études réalisées dans les pays anglo-saxons (en France, elles sont inexistantes), cette alliance parentale atypique n’est la cause ni de troubles psychologiques particuliers chez les enfants qui évoluent dans ces milieux, ni la source de leur choix sexuels ultérieurs. Les problèmes rencontrés au cœur des relations familiales trouvent dans les psychothérapies d’utiles moyens pour s’orienter vers des solutions. Car le sujet maîtrise mieux ses affects quand il peut les arrimer à des paroles qui remplissent une fonction cathartique.
C’est en connaissant son histoire qu’il peut modifier les effets qu’elle a sur le Moi et dépasser le clivage aliénant qu’elle induit.
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