N° 514 | Le 13 janvier 2000 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Catherine Bonnet est une psychothérapeute compétente qui sait de quoi elle parle. Son livre démontre un savoir-faire certain dans la prise en charge des enfants victimes de violence notamment sexuelle. Elle opère les distinctions adéquates entre l’agression sous terreur et celle qui organise la confusion entre le désir de tendresse de l’enfant et l’assouvissement du besoin sexuel du pédophile. Elle intègre bien l’imbroglio psychique qui s’empare de l’enfant quand violence et plaisir s’associent : et il est vrai que l’attouchement des zones érogènes est aussi source de plaisir, même si ce sentiment s’accompagne alors d’une honte indicible.
On ne peut que constater la pertinence de son approche de la pulsion pédophile qui ne se traduit pas toujours en passage à l’acte : « Des adultes peuvent être traversés par des pensées violentes, infanticides, pédérastes ou incestueuses à l’égard de leurs propres enfants ou d’autres enfants. Il n’est pas rare que des parents ressentent une brève attirance pour le corps de leur enfant ou de leur adolescent. Mais la majorité des adultes contiennent ce type de pensée car ils ont intériorisé les interdits de la société et de la citoyenneté » (p. 238). Tout cela fleure bon l’intelligence, la pertinence et la clairvoyance. Pourquoi donc l’auteur s’est-elle alors engagée dans une galère qui ressemble à un cul-de-sac ? C’est que Catherine Bonnet ne nous fait ni plus ni moins que le coup du complot.
Renouant avec la vieille tradition dualiste et manichéenne, elle divise l’univers en deux camps : les bons et les méchants. Du côté des premiers, il y a bien entendu ceux qui s’engagent dans la défense de l’enfance en danger, sans fioriture, sans hésitation, sans aucun questionnement. Et puis, du mauvais côté, l’on trouve les pervers ainsi que ceux qui sous prétexte de s’interroger sont en fait leurs otages. Se penche-t-on sur la suggestibilité de l’enfant ? Se demande-t-on si dans certaines situations, comme c’est par exemple le cas des divorces particulièrement agressifs et haineux, la dénonciation d’abus sexuel ne serait pas utilisée par l’une des parties pour se venger de l’autre ? Fait-on référence au syndrome des faux souvenirs qui a montré aux USA les ravages qu’ils pouvaient provoquer ? S’interroge-t-on sur l’efficacité d’un traitement psychothérapeutique systématique, un tel acharnement donnant parfois plus de mauvais résultats que de bons ? C’est là la preuve de l’offensive d’un « courant pro-agresseur » qui « influence insidieusement de nombreux professionnels en contact avec les enfants » et qui se fixe pour objectif de faire « à nouveau régner le temps des enfants menteurs et vicieux » (p.242).
Sans opposer le moindre argument sérieux, l’auteur amalgame l’ensemble de ces questionnements dans une diabolisation qui frise l’excommunication. Malheureusement, ce genre de pratique n’a jamais permis de faire avancer la réflexion. Dommage !