N° 663 | Le 24 avril 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
Depuis une quinzaine d’années maintenant, l’association Habitat alternatif social lutte contre l’exclusion dans le sud de la France (Marseille, Vitrolles). Ce livre est l’occasion de synthétiser l’expérience acquise pendant cette période d’intense activité et de transmettre au lecteur un certain nombre de réflexions et savoir-faire dont il puisse lui-même s’inspirer utilement dans sa propre pratique professionnelle.
Dotée d’un statut officiel de CHRS, l’association s’appuie de manière privilégiée sur la dimension « habitat » pour concrétiser et consolider un parcours d’insertion en voie de construction. Pouvoir se loger dans un « chez soi » c’est, en effet, « s’approprier un espace à soi, et peut-être, être à même de s’approprier soi-même », comme le dit fort justement un des auteurs. Le logement possède sur le plan symbolique une forte dimension identitaire dont on ne prend véritablement conscience que lorsqu’on en est privé. Il permet de retrouver une vie de famille, de réactiver un réseau d’amis (par le biais des invitations) et constitue donc en ce sens un vecteur fondamental de sociabilité.
À partir de là, il devient possible d’envisager un avenir, de formaliser des projets, de bâtir des scénarios de vie qui aient quelque chance de se réaliser. Particularité notable de l’association, elle utilise en faveur des bénéficiaires potentiels le procédé du bail glissant. Dans un premier temps, l’association loue en son nom un logement adapté qu’elle met à disposition du ménage. Puis, débute une phase d’accompagnement social qui s’étale sur une durée de six à dix huit mois. Au terme de cette période plus ou moins longue on le voit et si toutes les conditions favorables semblent réunies, le bail est alors transféré au nom du ménage qui devient ainsi locataire en titre et accède, de la sorte, à un statut de droit commun.
Le travail qui se déroule pendant la durée de l’accompagnement social est essentiel. Il s’agit, contrat d’accompagnement à l’appui, de mettre en place des objectifs précis sur la base d’échéances raisonnables pour formaliser un parcours positif d’insertion. Résoudre un problème particulier de santé, élaborer des outils de gestion budgétaire, régulariser une situation instable par rapport aux enfants sont ainsi des sortes de passages obligés qui permettent de vérifier que la progression vers l’autonomie nécessaire avant le « grand saut » se passe correctement. La remise, dans une certaine solennité, des clefs du logement marquera, enfin, l’achèvement de la « reconstruction » et le début probable d’une autre histoire.
L’expérience d’Habitat alternatif social méritait sans aucun doute d’être relatée. L’espèce d’autosatisfaction des rédacteurs peut, par contre, parfois irriter. Vanitas vanitatum, et omnia vanitas ?
Dans le même numéro
Critiques de livres