N° 1171 | Le 15 octobre 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La France périphérique • Comment on a sacrifié les classes populaires
Christophe Guilluy
Les grandes métropoles pourraient constituer le miroir d’une mondialisation heureuse : enrichissement permanent et PIB en hausse, symbole d’une société ouverte et déterritorialisée où la mobilité des hommes et des marchandises est source d’emplois et de progrès social. Mais, quand on y regarde de plus près, ce que fait avec précision Christophe Guilluy, on constate l’émergence d’une contre-société regroupant des catégories de populations vivant en-dessous du revenu médian et fortement précarisées. D’un côté, une économie spécialisée dans les secteurs les mieux adaptés au marché mondial, générant un salariat composé de cadres et de salariés très qualifiés, habitant le parc de logements privés et provoquant une gentrification des centres-villes. Ces catégories hyper-mobiles s’affichent libérales et sont partisanes d’un libre échange mondialisé, dont elles sont les principales bénéficiaires.
De l’autre, des classes populaires sédentaires, piégées dans des territoires marqués par un fort taux de chômage et de précarité et qui revendiquent le protectionnisme, la relocalisation et un État fort, comme seuls moyens de contrecarrer les mécanismes de fortes inégalités dont elles sont victimes. La fracture n’est donc plus entre l’urbain et le rural, la classe ouvrière et la bourgeoisie, la gauche et la droite, mais bien entre les métropoles et la France périphérique, entre des territoires dynamiques (quatre régions cumulent 52,6% de la valeur ajoutée de notre pays : Île-de-France, Rhône-Alpes, PACA et Nord-Pas-de-Calais) et ceux marqués par une très forte fragilité sociale. Entre les deux, des banlieues regroupant les dernières vagues d’immigration sur lesquelles se projettent l’anxiété d’une insécurité culturelle et un sentiment de dépossession, pures produit de l’instabilité démographique et de la précarisation sociale.
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