N° 681 | Le 9 octobre 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
La dépendance des personnes âgées. Quelles politiques en Europe ?
Sous la direction de Claude Martin
La notion de dépendance fait partie désormais de la rhétorique commune propre au champ de la gérontologie. Pourtant, un des objectifs de cet ouvrage collectif est de montrer qu’en dépit d’un usage fort répandu, le terme même de dépendance pose question. L’idée première était sans doute d’opérer une distinction pertinente entre les incapacités qui touchent une personne en raison de l’avancée en âge et le « handicap » dont peut être victime de manière aléatoire ou accidentelle un individu plus jeune. Seulement, fixer un âge déterminé à partir duquel on basculerait de la catégorie « handicapé » dans la catégorie « dépendant » semble un exercice bien difficile. C’est pourtant ce à quoi se sont risqués les textes de 1997 créant la prestation spécifique dépendance puisque le décret du 28/4/97 énonce, sans état d’âme : « L’âge à partir duquel est ouvert le droit à la PSD est fixé à soixante ans ».
Mais pourquoi donc s’évertuer à créer ainsi une nouvelle catégorie de bénéficiaires de prestations d’action sociale ? Il semble bien qu’une partie des motivations ne soit pas du tout désintéressée. Selon l’un des auteurs, il s’agissait surtout de restreindre l’accès à une autre allocation fort coûteuse pour les départements (l’ACTP) en limitant cette dernière aux personnes de moins de soixante ans. Mesure de rigueur financière donc qui, en effet, permit aux conseils généraux de réaliser de substantielles économies.
Aujourd’hui et alors que la PSD a été remplacée par l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) — on notera au passage l’évolution positive des termes — la catégorie « dépendants » paraît quant à elle durablement installée dans le paysage de notre vieillesse nationale. Le champ de la dépendance, confisqué selon le sociologue B. Ennuyer par les gériatres, s’est même doté d’outils précieux de mesure (gille AGGIR en particulier) qui crédibilisent encore sa consistance. Reste que cette terminologie tend à banaliser l’idée d’une vieillesse nécessairement invalidante et budgétivore…
L’ouvrage s’intéresse également aux politiques menées en la matière par nos voisins européens. Certains pays attachent une importance particulière aux causes générant une perte d’autonomie, sans se focaliser outre mesure sur le critère de l’âge. Cette démarche a le mérite d’éviter toute ségrégation arbitraire. Enfin, à la différence de la France qui a privilégié un dispositif apparenté à l’aide sociale, quelques nations (Allemagne, Autriche) ont fait le choix d’un système du type « assurance sociale », moins stigmatisant.
Le vaste tour d’horizon réalisé sur ces questions par ce livre satisfera assurément les lecteurs les plus exigeants.
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