N° 1128 | Le 28 novembre 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Quelles que soient les modalités diverses et variées de faire famille, celle-ci a toujours été le creuset permettant à l’enfant, nourri de lait autant que de fantasmes et de références culturelles, de grandir. Les parents ont toujours pour fonction de transmettre au petit d’homme, par imprégnation longue, ce qui lui permettra d’accéder à l’âge adulte. Ce qui lui est nécessaire pour atteindre cet objectif relève d’un véritable paradoxe : bénéficier du soutien et de l’aliénation primordiale que lui impose son immaturité, tout en agissant pour s’en dégager progressivement et assumer l’indispensable séparation. Il est fréquent d’accuser la famille de n’être qu’une figure autoritaire et aliénante, en raison du refoulement, du manque et de la frustration qu’elle impose face au désir et à la recherche de satisfaction de l’enfant. Autant de postures pourtant essentielles pour éviter que l’être humain ne se limite à la recherche du plaisir immédiat et à l’assouvissement de ses seuls besoins physiologiques.
La famille reste le lieu privilégié où l’enfant expérimente ses premières relations à l’autre. Chacune décline ses manières d’éduquer dans des tonalités qui lui sont propres, dans la limite de la sécurité, de la santé et de la moralité qui bornent les situations de risque et de danger. Et ce sont ces limites qu’explore l’ouvrage rédigé sous la direction de Daniel Coum.
Trois figures constituent un péril potentiel pour l’enfant. D’abord, lorsque celui-ci est enfermé dans une projection d’objet partiel : attendu à une place dont il ne peut se déloger. Chargé d’une mission à laquelle il ne peut déroger, il devient le prolongement du narcissisme parental et ne peut plus alors exister, par et pour lui-même. Vient ensuite l’enfant partenaire, celui pour qui ses parents préfèrent apparaître comme compagnons de route plutôt que comme figures d’autorité. Considéré comme un égal, on lui suppose des capacités qui n’existent qu’à l’état de potentiel. Troisième figure, celle de l’enfant parentifié devenu soutien de ses parents et sur qui l’adulte s’appuie, avec comme conséquence d’assumer des responsabilités qui le dépassent.
S’il existe des situations de familles défaillantes, il en est d’autres qui jouent les prolongations, à l’image de ces parents d’enfants porteurs de handicap qui investissent leur fonction protectrice, bien au-delà de l’âge adulte. Ils partagent alors leurs tâches éducatives avec des professionnels mandatés par une société soucieuse du devenir des plus fragiles de ses membres, pour suppléer et compenser et/ou accompagner et épauler les familles déficientes ou éprouvées. L’ouvrage aborde une question lancinante et récurrente : qui aide ces aidants qui prennent soin des parents et de leurs enfants ?
Dans le même numéro
Critiques de livres