N° 794 | Le 10 avril 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La loi de 1975 avait organisé de façon autonome le champ social et médico-social, après qu’en 1970 le secteur sanitaire ait fait de même. La loi 2002-2 a consacré les droits fondamentaux des usagers, marquant la fin d’une conception assistancielle et tutélaire de l’intervention sociale. Les institutions doivent proposer les mêmes garanties contractuelles que le secteur marchand, en terme de qualité du service rendu. Cela signifie appliquer au quotidien les principes de sécurité, de dignité, d’intimité, de vie privée, de confidentialité, d’accès au dossier et d’association à l’élaboration et la mise en œuvre du projet personnalisé.
Cet exercice complexe relève d’une démarche éthique qui touche en permanence au paradoxe : entre le droit à la liberté de l’usager et le devoir de protection du professionnel à son égard, entre la revendication d’accès à l’autonomie et la situation de dépendance (parfois lourde), entre le respect de l’intimité et les contraintes de la vie collective, entre le droit à l’information et les limites de compréhension et d’expression de certains usagers.
Les professionnels doivent s’interroger sur le moment où ils font effraction dans la vie des personnes qui leur demandent de l’aide et où ils empiètent sur leur espace de décision en s’arrogeant la liberté d’intervenir d’une manière parfois intempestive, voire abusive, dans leur choix de vie. Ils doivent toujours mieux distinguer entre la protection qui garantit la marge d’expérimentation et évite l’accident, et la surprotection qui enferme l’autre dans la vision invalidante qu’on a de lui, qui le confirme dans son incapacité et qui conclut que tout est écrit.
Mais dans le même temps, au risque d’assujettissement de celui qui n’écoute pas et pense à la place de l’autre, s’oppose un autre risque, celui de l’indifférence du professionnel contraignant l’usager à se prendre en charge tout seul. Il s’agit en fait de déployer une posture qui accepte l’autre comme interlocuteur et qui met en œuvre une co construction du projet qui le concerne : « Une rencontre doit permettre que l’imprévu fasse irruption, que les modes d’expression de l’autre ne soient pas disqualifiés » (p.69).
S’il est bien difficile de constituer un référentiel qui garantisse une telle qualité relationnelle, il est néanmoins possible de réfléchir aux conditions qui le permettent. Les nouveaux droits des usagers décidés par la loi 2002-2 sont ponctués par la charte des droits et des libertés, par un livret d’accueil, par un règlement de fonctionnement, par un contrat de séjour et un document individuel de prise en charge, par un conseil de vie sociale.
L’ouvrage du CREAI propose, au travers d’explications claires, de conseils et de multiples exemples, un véritable guide pratique qui permettra aux équipes prêtes à s’engager dans cette démarche de rendre les droits formels en droits effectifs et opposables.
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