N° 690 | Le 11 décembre 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
La loi et l’ordre - Prévention spécialisée et politiques sécuritaires
Jean-Louis Lauqué
En ces temps agités où les questions liées à la sécurité sont censées préoccuper une majorité de Français, la place et le rôle de la prévention spécialisée se trouvent quelque peu interrogés. La tentation est forte alors, pour ceux qui interviennent dans ce champ d’activité, de prendre la plume pour justifier l’existence du dispositif dans un contexte difficile. L’originalité de la démarche de la prévention spécialisée se doit, en effet, d’être régulièrement soulignée au regard de l’uniformité des solutions répressives présentées aujourd’hui comme la panacée en matière de restauration de l’ordre public. C’était sans doute l’ambition du livre de Jean- Louis Lauqué de démontrer le bien fondé d’un processus cherchant à appréhender les difficultés sociales dans une optique autre que les pratiques usuelles destinées à "surveiller et punir ". On peut cependant, à la lecture, se demander si l’effet du livre ne sera pas inverse.
Démonstration n° 1 : « C’est cette mise en place que nous appelons éducation, dans sa relation au socialement acceptable, recevable, que nous situons dans le discours, dans ce qui fait trace, où se dit la marque, dans une sorte d’au-delà de ce qu’énonce la loi des hommes. Dans la Loi de l’Humain, c’est-à-dire la référence fondatrice, soit, redisons-le encore, l’interdit de l’inceste et du meurtre » (p.50). Merci docteur, encore une dose, c’est trop bon : « La parole sur son bord social, sa relation de lien dit le désir qui me lie à l’autre dans l’immédiateté des mots, en une trame d’esprit, que je livre à alter, selon l’indicible qui fait mon style, ma signature » (p.52). Effectivement, c’est signé… Persiste et signe en quelque sorte !
Amateurs de redondances psychologisantes et autres menus plaisirs, ne pas s’abstenir. Dommage, car il y a aussi, parfois, des moments plus apaisants dans l’ouvrage. En particulier, certaines considérations sur les fondements de la prévention spécialisée ou recommandations à l’usage des praticiens ne sont pas dénuées d’intérêt. Mais l’impression d’ensemble reste dominée par le verbiage irritant de l’auteur. Ultime preuve s’il en est besoin : « Cette casuistique pourrait par ailleurs constituer les prémices d’une clinique qui manque gravement aux travailleurs sociaux, souvent empêtrés dans la vulgate sociologique et psychologique transmise dans les instituts de formation » (p. 186). Comment dites-vous ? Empêtré dans quoi ?
Il est une punition que l’on devrait sans doute infliger à certains auteurs, celle de relire leur propre bouquin.
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