N° 883 | Le 8 mai 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Confier des mots-valises à des spécialistes des sciences humaines et ils vous les décoderont en démêlant les confusions, abus et autres dérives. C’est ce que fait ici Catherine Sellenet pour notre plus grand bonheur, à propos d’un concept particulièrement saturé de sens, de contresens et de non-sens.
Autrefois, on ne se posait guère de questions : il y avait la famille, la puissance paternelle et l’ordre hiérarchique moral. Et puis, avec la multiplication des familles mono-pluri-homo-parentales sont venus le doute, l’incertitude et la remise en cause, obligeant à repenser les frontières entre les représentations et à réinterroger les rôles et les places. C’est dans ce contexte qu’est née la notion de parentalité. Ce concept, remarque l’auteur, s’accommode de toutes les idéologies. On peut y voir une réhabilitation de la place des familles tout comme une issue de secours pour celles qui sont dépassées, une mise en œuvre de la coéducation tout autant qu’un désengagement des professionnels devenus impuissants, une nouvelle conception des relations entre parents et professionnels ou une nouvelle police des familles. Reste que le terme de parentalité renvoie à un discours du risque, mobilisant immédiatement des images et des pratiques de soutien, d’étayage et d’écoute face à des parents disqualifiés dans leurs pratiques.
Tout se passe comme si la société n’avait plus confiance dans la capacité a priori des adultes à humaniser les enfants et doutait de la famille comme cellule intégratrice. Or, non seulement le métier de parent est, par essence et de façon irréductible, confronté aux risques, mais, en matière d’éducation, ce sont les certitudes forgées d’avance qui mutilent. Le problème ne réside pas tant dans le manque de repères éducatifs que dans leur multiplication. Comme ce qui menace, ce n’est pas tant la déresponsabilisation des parents que la tyrannie induite par ces propositions de bonnes pratiques qui assoient surtout des comportements normalisés. Les compétences parentales ne sont le produit ni d’un donné social, ni d’un héritage biologique, mais le fruit d’un processus complexe de maturation qui réunit un ensemble de savoirs, de savoir-faire, de savoir-être, de capacités à résoudre les problèmes, d’aptitudes naturelles ou acquises.
Pour mieux les identifier, Catherine Sellenet reprend les travaux du groupe de Didier Houzel (auquel elle a participé) qui a tenté de transcender le clivage entre les différentes disciplines et de tenir ensemble les multiples facettes du concept de parentalité. Elle décline ainsi, d’une manière didactique et pédagogique, les axes de son exercice, de son expérience subjective et de sa pratique, tout en montrant les déficits possibles dans chacune de ces dimensions basées sur le paradoxe de l’écoute et de la guidance.
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