N° 1264 | Le 7 janvier 2020 | Par Jérémy Lenchantin, éducateur spécialisé | Espace du lecteur (accès libre)
De toi à moi… Notre première rencontre sera dans la rue, obligée pour toi car placé, déplacé, replacé… en institution car pas tout à fait comme il faudrait… Derrière un bureau, les barreaux, en binôme, seul. Après un coup de fil, par hasard, pour un entretien d’admission. Toi tu seras un adulte, un enfant, un adolescent, une femme, un homme, un trans… De toi à moi et de moi à toi. La première rencontre moment si particulier, conditionné par l’impossible ambition de se voir éduquer… Moment empreint de domination, de représentations, de toi contre moi, de moi par rapport à toi… De pas envie pour toi, d’espoir de trop d’espoir aussi, parfois, de : « Tu vas m’éduquer toi ? » « Non… enfin… j’sais pas, t’en penses quoi toi ? Si on s’éduquait ensemble ? » De toi à moi et de moi à toi. Peut-être qu’on sera toi comme moi des acteurs de ce moment si particulier et que ni toi ni moi ne bougerons de notre rôle… Normal pour toi, facile pour moi, je n’aurais qu’à dire que tu es trop… ou pas assez… que nous ne sommes pas en capacité de t’accueillir… Peu de chances d’une rencontre. Mais en nous rapprochant, je pense que… De toi à moi. Tu as l’air terrorisé, stressé, inquiet, je te dérange, tu souffles, tu souffles un grand coup, tu souffres sans doute. Il s’en passe des choses chez toi… De moi à toi. Moi aussi, j’ai peur parfois, tu m’intriques, j’ai de la peine, tu me touches, je ne te comprends pas parfois aussi, tu me fatigues déjà, je suis content, on m’a beaucoup parlé de toi… Quoi qu’il en soit pour toi, à moi d’être au clair avec… moi, parce que je te dois ça. De moi vers vous. « Professionnel de la relation » ne sous-entend pas hygiéniste des émotions… À quoi bon faire une rencontre sans émotion…