N° 562 | Le 1er février 2001 | patr | Critiques de livres (accès libre)
Michel Foucault affirmait que l’idée de réforme de la prison était contemporaine de la prison elle-même. Autrement dit, pour le célèbre auteur de Surveiller et punir, inutile de se faire des illusions sur un éventuel changement d’une institution carcérale « condamnée » en quelque sorte à l’immobilisme. Ce sombre pronostic n’a pourtant pas fait renoncer une poignée de courageux chercheurs, bien décidés à ausculter cette vieille maison à qui l’on demande d’assumer une double mission paradoxale : punir par la privation de liberté et rééduquer afin de préparer au mieux un retour dans la société.
Inévitablement, lorsqu’on s’intéresse à la prison, rode le concept d’institution totale défini par E. Goffman. Pour sa part, le sociologue P. Combessie observe que si la frontière entre la prison et le monde extérieur a tendance à devenir plus mouvante, elle n’en demeure pas moins dotée d’une étonnante faculté de se reconstituer dès qu’une brèche semble vouloir s’ouvrir, contribuant ainsi inévitablement à scléroser l’articulation entre ce qui se passe dans l’institution et les prolongements espérés de l’autre côté des murs.
Ainsi, l’institution totale produit toujours ses effets même si les méthodes sont devenues moins brutales, et l’altérité fondamentale volontairement entretenue entre l’univers carcéral et le monde « libre » constitue une constante stable du fonctionnement pénitencier. La conception architecturale de la majorité des prisons et l’inertie patente constatée en ce domaine restent d’ailleurs de puissants freins à une intégration harmonieuse des bâtiments dans le paysage de la cité. Pourtant, indéniablement, la reconnaissance des droits des détenus est en marche. Qu’il s’agisse du droit à l’éducation, au loisir, à la santé, le statut de la personne incarcérée évolue et les règles carcérales s’attachent, dans un mouvement général de normalisation, à respecter l’exercice d’une certaine citoyenneté en dépit de l’enfermement. Le droit pénitentiaire tend, peu à peu, à se rapprocher du droit commun.
La politique de santé adoptée en milieu carcéral est également révélatrice d’une volonté de lutter contre la marginalisation des détenus. Dorénavant, la prise en charge des questions de santé est confiée au service public hospitalier et non plus à l’administration pénitentiaire. Cette évolution notable témoigne d’un souci d’apporter des solutions concrètes mais non discriminantes à l’ensemble des problèmes sanitaires qui trouvent en prison un terrain particulièrement fertile pour prospérer (VIH, conduites addictives à risque, etc.). Des entraves spécifiques au strict respect du droit des malades subsistent toutefois et les compromis qui se dessinent ne sont donc encore que partiellement satisfaisants. En marge des « scoop » éditoriaux, cet ouvrage apporte une contribution positive à la réflexion prospective en faveur d’une détention plus « humanisée ». Il atteste à sa manière que des progrès sont en cours et que la prison en changement est désormais une réalité, n’en déplaise à certains ?