N° 733 | Le 9 décembre 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le monde adulte a parfois encore du mal à reconnaître une vie sexuelle chez l’enfant. Certains pourtant, l’admettent tellement bien, qu’ils mêlent leur propre sexualité à celle du petit d’homme. Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre, nous démontre ici qu’il est possible d’aborder cette question en écartant ces deux extrêmes. Il existe chez l’être humain, explique-t-il, une force de vie qui favorise une maturation progressive, la sexualité s’adaptant au mûrissement progressif de la personnalité. Mais là où le propos devient innovant, c’est quand l’auteur, loin de répartir les comportements en « normaux » et « anormaux », définit des fonctionnements qu’il appelle « suffisamment sains », et d’autres qu’il désigne comme préoccupants dès lors qu’ils ne se limitent pas à une dimension transitoire, mais s’inscrivent dans la longue durée.
Trois exemples pour illustrer cette démonstration. Il existe chez l’enfant une curiosité naturelle qui s’exerce dans tous les domaines, y compris en matière sexuelle. Plus il grandit et plus il est attiré par les pratiques des plus grands. Aussi, quand un enfant mime un coït ou une fellation, ce peut être tout autant un acte d’imitation audacieux, qu’un comportement aux implications érotiques et vicieuses. Second exemple : une masturbation fréquente n’est pas en soi alarmante. Cette pratique qu’on retrouve surtout dans la petite enfance et au moment de l’adolescence, n’est pas seulement source de plaisir, elle permet aussi de prendre possession de son corps et de l’aimer et peut aussi être une forme de réassurance, en cas de grande tristesse. Quant aux activités sexuelles entre enfants, elles s’exercent dans la majeure partie des cas, dans un contexte de même âge et de même force, ce qui peut suffire à les limiter à des jeux sans gravité.
Confronté à ce qui peut l’inquiéter, l’adulte doit donc avant tout veiller à modérer sa réaction, non pour banaliser, que pour éviter que sa réponse ne soit plus traumatisante que l’attitude qui le trouble. Bien sûr, il doit affirmer son rôle d’éducation et de soins en instituant clairement les bonnes frontières entre le permis, le toléré et le défendu. Il doit poser les interdits : pas de relations sexuelles complètes avant la puberté, pas d’activités sexuelles entre enfants d’âge très différent, plus d’activité sexuelle au sein de la fratrie au-delà de 11 ans… et les rappeler en cas de transgression. Mais, certains dérapages sont ponctuels.
D’autres peuvent s’expliquer par des circonstances particulières : une prédisposition de l’enfant lui-même (comme par exemple une hyperexcitabilité de ses parties génitales), mais aussi et surtout un dysfonctionnement familial (culture hédoniste ou délaissement qui laisse l’enfant aux prises des plus grands qui « font son éducation » en l’initiant à des plaisirs qui ne sont pas de son âge). Jean-Yves Hayez signe là un ouvrage tout en nuance qui démontre que si la sexualité des adultes doit être abordée dans toute sa complexité, celle de l’enfant ne fait pas exception à cette précaution.
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