N° 679 | Le 25 septembre 2003 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
La France de l’an 2000, c’est 200 000 sans-abri, deux millions de mal logés et quatre millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. C’est 20 % des 16-25 ans dans la grande pauvreté (5,5 % en 1970) et 9 % des 25-29 ans (3,9 % en 1970). C’est encore 2,3 millions d’adultes illettrés et 85 % d’enfants de cadres qui obtiennent leur Bac, contre 52 % d’enfants d’ouvriers et 34 % d’enfants de parents inactifs. C’est 32 sans domicile fixe atteints de tuberculose sur les 586 testés par le Samu social (contre 49 pour 10 000 habitants en région parisienne et 10 pour 10 000 dans le reste du pays). « La misère est l’ ?uvre des hommes. Seuls les hommes peuvent la détruire » affirmait Joseph Wrésinski, fondateur d’ATD quart-monde. De cela, Brigitte Camdessus en est convaincue.
Son ouvrage ne se contente pas de décrire la misère qui frappe tant de nos concitoyens. Il s’arrête aussi sur nombre d’actions de terrain qui s’attellent à sortir les individus et les familles de l’exclusion arrivant ainsi à les inscrire dans une spirale ascendante. Pour ce faire, la solution la plus efficace réside dans l’approche la plus globale de la situation. Ce sont tous les aspects de la vie qui doivent être pris en compte : le logement, l’emploi, les ressources suffisantes, la santé, le réseau familial, amical ? Ainsi, ne suffit-il pas de fournir un appartement. Il est tout aussi important de proposer un accompagnement et un réseau de proximité et de solidarité, comme le fait l’association « habitat et humanisme ».
Autre action exemplaire, celle du CECCOF de Paris qui appréhende la problématique des usagers dans une perspective systémique, abordant tout autant la dimension familiale, la santé et l’éventuelle prise en charge psychologique que les plus classiques logement et insertion professionnelle. L’auteur évoque aussi le fossé qui s’est creusé entre la culture de l’école fondée sur l’écriture, la lecture et l’abstraction et celle des milieux de la grande pauvreté trop souvent tournée vers des réflexes de survie, rendant parfois bien difficile l’apprentissage : « il faut beaucoup de volonté et de courage à nos familles pour prévoir quand on touche notre argent de payer d’abord le loyer, l’électricité, le téléphone » explique un témoin, au risque de ne plus avoir ensuite les moyens d’accéder à une consommation minimale qui permet de se sentir comme les autres.
Là aussi, seul le travail de réseau entre chef d’établissement, enseignants, familles bénévoles et services sociaux peuvent permettre de combattre l’échec scolaire. Il est donc possible de faire reculer l’exclusion, de redonner l’espoir d’une existence plus humaine. Cela passe par l’utilisation des compétences et des ressources des usagers et la création de communautés conviviales. C’est la conviction, ma foi, fort contagieuse de l’auteur.
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