N° 1053 | Le 8 mars 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Hugues Sibille est une figure incontournable de l’économie sociale et solidaire. Son parcours professionnel est parsemé de créations originales. Il a participé, de près ou de loin, à nombre d’innovations des trente dernières années : pépinières d’entreprises, coopératives d’activité, fabriques à initiatives, les prêts d’honneur, le microcrédit, les sociétés coopératives d’intérêt collectif.
En 1997, quand il entre au cabinet de Martine Aubry, c’est pour mettre en application le projet des emplois-jeunes. Aujourd’hui, quand il compare la dizaine de milliers d’embauches liées à la baisse de la TVA dans la restauration, il est fier d’avoir pu créer dix fois plus d’emplois, pour un coût moitié moins élevé. En 2001, Hugues Sibille est nommé directeur des petites entreprises et de l’économie sociale à la Caisse des Dépôts. Il renforce les financements en fonds propres des structures comme l’ADIE, France initiative ou France active et crée les Dispositifs locaux d’accompagnement qu’utilisent actuellement 7 000 associations par an.
Cet homme a l’innovation sociale chevillée au corps. Ne confondant pas l’ambition qui l’anime dans les projets qu’il mène à bien et son plan de carrière, Hugues Sibille rejoint à l’automne 2005 le Crédit coopératif dont il devient le vice-président. Il va trouver, avec cette PME bancaire de 2 000 salariés et de 400 millions d’euros de produit net, une goutte d’eau dans l’océan de la finance, l’occasion de défendre ses valeurs sociales. Il met en place une contribution volontaire sur les transactions de change qui rapportera, en 2011, 100 000 € affectés à des actions solidaires.
Autant dire que le regard qu’il porte sur le monde économique est des plus critiques. Il s’oppose au pouvoir des actionnaires qui n’ont comme seul objectif que d’accroître leurs dividendes et préconise un mode de gouvernance participatif, par l’attribution de plus de pouvoirs aux salariés, aux usagers, aux citoyens et aux collectivités. Plus qu’une nationalisation bien trop coûteuse, il revendique des contrôles collectifs. Il ne dénie pas au marché le droit d’exister, mais refuse son extension à tous les espaces de l’activité humaine. Il se fait le fervent défenseur des sociétés de personnes qu’il souhaite voir se développer aux côtés des sociétés de capitaux.
Reste à gagner la bataille des idées. Ce qui n’est pas joué d’avance, comme le montre la faible proportion de coopératives ouvrières sur les 2,2 millions d’entreprises dont le nombre n’est passé, de 1978 à aujourd’hui, que de 1 500 à 2 000. Mais Hugues Sibille croit en la possibilité de modifier le cours des choses. Et pour cela, il compte bien sur le formidable levier que constitue le monde associatif, premier laboratoire de l’innovation sociale.
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