N° 722 | Le 23 septembre 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les 3 730 éducateurs PJJ sont les héritiers de cette Direction de l’éducation surveillée qui s’est détachée, en 1945, de sa marraine d’avant-guerre, l’administration pénitentiaire, pour mettre en application l’ordonnance datant de la même année, qui privilégie la réponse éducative sur la démarche exclusivement répressive, en intégrant comme prérequis l’éducabilité du mineur délinquant.
Véronique Freund consacre un ouvrage tout à fait intéressant à ce corps de professionnels mi-anges, mi-gardiens, car à mi-chemin de l’aide et du contrôle, qui aura mis de longues années non seulement à se professionnaliser, mais aussi tout simplement à se constituer, le nombre de candidats au concours de recrutement restant inférieur, jusqu’en 1962, au nombre de postes proposés.
L’auteur retrace l’histoire des soixante dernières années, celle qui commence par ces internats professionnels d’éducation surveillée regroupant 200 jeunes qui devaient chaque matin, en uniforme, se réunir pour la levée du drapeau (et subissant systématiquement passage à tabac et cachot, à leur retour de fugue). Puis, dans les années 1970, c’est l’émergence du milieu ouvert ainsi que l’externalisation de toutes les fonctions de scolarisation et de formation professionnelle qui créeront des tensions avec la pratique traditionnelle de l’internat. Enfin, les réactions récentes d’une profession qui se refuse à s’aligner sur des réflexes sécuritaires qui lui commandent d’avoir à surtout contenir des jeunes stigmatisés comme fauteurs de troubles.
C’est oublier un peu vite que cette population difficile est avant tout en difficulté sociale, familiale, scolaire et professionnelle. Les accompagner dans un processus de restauration de leur personnalité suppose une vision d’ensemble de leur problématique, leurs actes délinquants ne constituant qu’une manifestation parmi d’autres, trop souvent provoquées par l’aggravation des conditions de vie et la dimension dramatiquement dérisoire des perspectives d’insertion.
Pour répondre à ce défi, la PJJ a élaboré un référentiel de compétences assez complet : travail en équipe pluridisciplinaire, articulation entre éducation et contrainte, prise en compte de la singularité de chaque situation, articulation entre besoins et demandes, établissement d’un diagnostic et de propositions permettant aux magistrats de décider etc. Mais, remarque avec pertinence l’auteur, ce référentiel est bien loin de rendre compte de la finesse des pratiques nécessaires. Ses dimensions les plus identifiables ne sont pas forcément plus importantes que celles qui restent bien moins visibles.
L’éducateur est comme une plaque sensible, devant garder tous ses sens en éveil afin de capter les signes qui lui permettront d’adopter le geste, de prononcer le mot, de poser l’acte qui permettront de sortir de l’impasse. Comment identifier cette démarche singulière à chaque situation et toujours porteuse de sens mais si difficile à conceptualiser ? « L’éducateur ne sait pas toujours ce qui se joue dans la relation éducative » (p.123). C’est toute la difficulté et l’intérêt de ce métier.
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