N° 1174 | Le 26 novembre 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Tout ce que vous avez souhaité savoir sur le travail des aides médico-psychologiques (AMP) au contact du polyhandicap a de grandes chances de figurer dans cet ouvrage.
Même si personne ne peut prétendre à l’exhaustivité, le livre de Catherine Derouette est d’une grande richesse et d’une vaste érudition. Alors que bien des guides se contentent parfois d’une énumération de dispositifs, de réglementations et de protocoles, sans laisser à la pédagogie la place qui lui revient, l’auteure déploie une humanité qui ne se dément pas d’un bout à l’autre de l’ouvrage.
Quel chemin parcouru depuis l’époque où les enfants atteints de polyhandicap – alors appelés « encéphalopathes », « arriérés profonds », « grabataires » ou « végétatifs » – n’étaient pas pris en charge par la sécurité sociale, contraignant leurs parents à les abandonner à la DASS afin qu’ils soient admis dans les services de défectologie des hôpitaux publics. Cela se passait jusqu’aux années 1960, autant dire hier. Aujourd’hui, ce qui est attendu des professionnels accompagnateurs, c’est l’attention portée (savoir observer), la disponibilité (savoir individualiser la prise en charge) et la recherche de sens (savoir identifier une façon particulière d’être au monde).
Personne n’est vraiment préparé à prendre en charge un enfant atteint de polyhandicap. Les premiers contacts peuvent s’avérer violents, si l’on s’en tient à la lourdeur des déficiences multiples qui peuvent tout autant atteindre la motricité que l’intellect et les sens. L’accompagnement de ces personnes exige une connaissance des affections et des compétences diversifiées, au premier rang desquelles se trouve la vigilance toute particulière aux soins du quotidien. Mais, poursuit l’auteure, si la sécurisation et le confort apportés pour garantir l’hygiène, l’alimentation et l’hydratation sont essentiels, on attend tout autant des professionnels qu’ils mettent tout en œuvre pour tirer la personne accompagnée vers le haut. Car tout enfant atteint d’un polyhandicap possède en lui un potentiel d’évolution qui ne demande qu’à se déployer. À condition d’être sollicité. Et ce qui est demandé aux AMP est de trouver les moyens éducatifs pour amplifier la stimulation auditive, visuelle, tactile, gustative et olfactive de l’enfant et entretenir sa vie sociale.
Pour remplir cette ambition, le métier se heurte aux difficultés de communication qu’il va falloir dépasser au risque de voir la tentative de dialogue se réduire très vite à un monologue. Le professionnel pourrait alors prendre le pouvoir sur celui qu’il accompagne, en faisant à sa place. Une dérive qui peut d’autant mieux être évitée qu’un vrai partage de savoir-faire réussit à se concrétiser au sein de l’équipe pluridisciplinaire avec les ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, psychomotriciens, psychologues, infirmiers et médecins qui interviennent auprès du même public.
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