N° 1166 | Le 25 juin 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Enthousiasme, désillusion, renoncement.
C’est le triptyque qui constitue le fondement de ce récit de vie décrivant comment on entre dans le travail social, avec l’envie de se sentir utile, comment son désir initial de bien faire peut s’éroder au contact de la réalité et comment on s’en échappe, parfois, pour ne pas sombrer. Sophie Chabanel, diplômée d’HEC, intègre une association d’aide au logement à Lyon. La voilà plongée dans un dispositif dont l’absurde le dispute à l’impuissance. Les usagers qui se présentent à sa permanence la confrontent à une logique kafkaïenne.
Le 115 est incontournable, mais de toute façon il est injoignable et, débordé, ne peut apporter aucune solution. Les différents lieux d’accueil existants opposent chacun leurs limites : pour l’un, l’impétrant est trop âgé ; pour le deuxième, il est primo arrivant ; pour le troisième, il s’est montré trop insistant à la permanence d’accueil ; pour le quatrième, il ne s’y est pas présenté assez souvent, preuve de sa fragile motivation ; pour le cinquième, il n’y a pas de place pour les couples ; pour le sixième, n’est financée que la place de madame et de son bébé, monsieur n’étant pas pris en charge ; pour le septième, un dépannage en chambre d’hôte ne peut être accordé que si des solutions pérennes sont en vue.
Deux ans sont parfois nécessaires pour réussir à obtenir un logement. Et puis, quand cela arrive enfin, il arrive parfois que des usagers, qui ont tant de problèmes à régler, focalisent toute leur souffrance sur ce qu’on leur propose : le logement n’est pas à leur goût. Face aux quelques réussites fragiles et à tant d’échecs, Sophie Chabanel préfèrera se protéger de la dépression qui l’envahit, en démissionnant.
Mené avec humour et un brin d’ironie désespérée, son ouvrage nous renvoie à ce que bien d’autres se demandent, parfois : mais que fais-je donc dans cette galère ?
Dans le même numéro
Critiques de livres