N° 731 | Le 25 novembre 2004 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
S’il est bien un paradoxe pour l’assistante sociale du travail, c’est d’avoir été en partie à l’origine de la profession et pourtant d’être largement méconnue. Tout commence en effet en 1917, alors que les femmes ont remplacé dans les usines d’armement les hommes encore au front. Albert Thomas, ministre socialiste de la Guerre, rend obligatoire pour tout employeur de plus de cent femmes, la présence de surintendantes d’usine.
Ce corps spécialisé s’occupe plus particulièrement de l’embauche des salariées et de leur affectation sur leur poste de travail, du recueil et du traitement de leurs doléances, de la surveillance des crèches et des chambres d’allaitement. Ce qui aurait pu apparaître comme une nécessité conjoncturelle va se pérenniser car non seulement les femmes ne vont pas disparaître du marché du travail, mais les managers ont très vite compris que pour que leurs salariés soient opérationnels, il ne faut pas qu’ils soient perturbés par des soucis d’ordre personnel. Ce qui avait été conçu spécifiquement pour les femmes, va être proposé aussi aux hommes : une législation du régime de Vichy, que la Libération ne remettra pas en cause, contraint toute entreprise de plus de 250 salariés à se doter d’un service social.
Dès 1917, une école de formation est créée : celle de l’association des surintendantes. Mais ses capacités sont vite dépassées : ainsi, en 1939, alors que les besoins sont estimés à 500, seules 18 jeunes diplômées sortiront de l’école. Malgré la création en 1942, d’une autre qualification parallèle, celle des conseillères du travail (qui disparaîtra en 1990), cette fonction spécifique qui justifie théoriquement d’une formation postérieure au diplôme d’Etat, sera largement occupée par des professionnels n’ayant que ce seul diplôme.
Sur les 3500 assistantes sociales du travail en poste aujourd’hui, un peu plus de la moitié seulement a suivi un cursus complémentaire. L’accès à cette fonction est le plus souvent le fait de professionnels expérimentés qui se détournent du service social de secteur vécu comme impuissant dans ses moyens et son action. Il est vrai que l’assistante sociale du travail s’adresse à l’ensemble de salariés sur des problématiques individuelles et familiales qui ne relèvent pas toutes de difficultés insurmontables.
Confrontés au risque d’apparaître inféodés à l’employeur ou aux syndicats, ces professionnels, qu’ils soient employés directement, prestataires dans une structure inter-entreprise ou en libéral ne conçoivent leur intervention qu’en respectant strictement les principes de neutralité et de secret professionnel. Reste la menace qui pèse sur une fonction qui, de plus en plus exercée par des assistantes sociales non spécialisées et de plus en plus centrée sur des problématiques traitées traditionnellement par la polyvalence de secteur pourrait se voir à terme menacée dans sa spécificité.
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