N° 1010 | Le 17 mars 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le théâtre forum, approche inventée par Augusto Boal, commence par la recherche des circonstances au cours desquelles un ou plusieurs sujets se sont trouvés en situation d’oppression. Cette problématique mise en scène est jouée, une première fois, devant le public. Les spectateurs sont ensuite invités à « faire forum ». Il leur est proposé de devenir spect’acteurs, non pas en discutant de ce qu’ils ont vu, mais en venant remplacer un acteur et modifier la scène initiale, afin de transformer la logique d’oppression en une dynamique d’émancipation. Il existe, en France, une vingtaine de troupes de théâtre s’inspirant de cette approche, selon des modalités qui ne sont pas toutes identiques.
L’ambition de Guillaume Tixier est bien d’en faire un outil au service de la régulation des conflits et de la culture de paix. La démarche initiale est la même : considérer chacun comme un citoyen responsable, en capacité de réfléchir par lui-même, sur des problèmes de société et de trouver des pistes de solution. Mais cet espace intermédiaire entre l’imaginaire et le réel, la théorie et la pratique, la discussion et l’action, est utilisé ici comme un outil particulièrement utile pour sa capacité à apprendre à se confronter à l’autre, en le respectant. La forme rejoint l’objectif, quand tous les deux privilégient l’articulation entre concertation collective et initiative personnelle. C’est l’occasion d’approfondir la confiance en soi et en l’autre, de comprendre les différents paramètres de la communication et d’aborder très concrètement la thématique de la coopération.
L’ouvrage se présente comme un manuel pédagogique abordant les différentes phases de cette technique. Les jeux et exercices introductifs, d’abord, qui permettent de développer les capacités d’expression des participants menant au jeu d’improvisation et, à la fois, de les aider à se déconditionner de leurs schémas quotidiens, étape indispensable pour lâcher prise et favoriser l’émergence de nouveaux comportements. Puis, vient la réalisation du scénario, avec le choix du sujet, la durée de sa menée, sa finalisation et les différentes étapes susceptibles de stimuler sa dramatisation. Enfin, face au public, se joue la partie forum qui favorise l’action sur la discussion, invite à s’impliquer et à participer, et se tourne entièrement vers la recherche d’une proposition satisfaisante pour chacun.
Le rôle de l’animateur est, tout au long de ce processus, essentiel et vital. Il guide les acteurs, limite les dérives, modère les divergences, incite les spectateurs, encourage la participation, positive les interventions, met en perspective, maintient le cap, régule groupe et cadre. Une forme théâtrale certes exigeante, mais combien gratifiante.
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