N° 1194 | Le 27 octobre 2016 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Certaines activités professionnelles sont vécues à la fois comme un travail et comme une passion, allant bien au-delà de la simple fonction rémunératrice. Ce qui caractérise le travail passionné ? C’est l’engagement, la liberté, la créativité, l’autonomie, le sens de l’action, l’exercice de l’activité comme porteur de sa propre rétribution. C’est l’incarnation d’une nécessité intérieure, plus que d’une contrainte externe. C’est la porosité des frontières entre travail et loisirs, vie professionnelle et vie privée, contrainte et plaisir, subordination et réalisation de soi. C’est l’occasion d’un épanouissement hors norme, non conventionnel et loin de la routine qui caractérise trop souvent le travail salarié. On n’exerce pas un métier pour gagner sa vie. On gagne sa vie pour pouvoir exercer un métier. Où se situe la limite entre trop et pas assez de passion dans son travail ?
Le travail passionné peut se montrer invasif, colonisant l’espace domestique, débordant la vie familiale et le temps libre. L’engagement passionné peut ne pas être reconnu et gratifié à la hauteur des efforts investis, constituant alors un puissant facteur explicatif de souffrance au travail. Sans compter que la valorisation de l’individualité et la glorification de l’engagement peuvent être vus comme une attente sociale de plus en plus prégnante et une forme ostentatoire d’affirmation de soi, déniant ainsi le travail dans ses dimensions statutaires, juridiques et monétaires. À la fois hautement désirable et facteur d’émancipation, la passion au travail peut apparaître harmonieuse. Mais elle peut aussi s’avérer peu enviable et source d’aliénation, quand elle devient excessive et est réduit à être le seul support de reconnaissance de l’identité.
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