N° 1173 | Le 12 novembre 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Plus connue comme journaliste et animatrice de télévision, Églantine Éméyé témoigne de l’irruption dans sa vie de son petit garçon porteur d’un polyhandicap. À sa naissance, Samy est un bébé amorphe, mou, au regard terne, n’attrapant pas ses jouets, laissant retomber lourdement sa tête sur son menton. En grandissant, il se met à hurler pendant des heures, se frappant sans cesse, s’abîmant le visage et les mains sous l’effet des coups et des morsures qu’il s’inflige quotidiennement. Le diagnostic finit par tomber : épilepsie due à un AVC extrêmement précoce, combinée à une forme sévère d’autisme.
Le parcours que nous rapporte cette maman est, comme pour tant d’autres familles, celui du combattant. Le quotidien décrit est hallucinant, les relais susceptibles d’être sollicités loin d’être toujours au rendez-vous et pas vraiment adaptés. Trois rencontres le démontrent d’une manière tout particulièrement singulière.
La première d’entre elles est incontournable : c’est la maison départementale des personnes handicapées. La décision de versement de l’allocation pour enfant handicapé est prise pour un temps donné. Pour éviter sa suspension, il faut régulièrement renouveler le certificat médical et remplir les formulaires. La déficience de Samy a peu de chances d’évoluer. Mais rien n’y fait. La MDPH qui insiste pour recevoir l’enfant s’en souviendra sans doute longtemps. Vivant quelques minutes ce que sa famille connaît tous les jours, elle sera vite convaincue du bien fondé du statut handicapé devant un enfant se tapant la tête contre le sol.
Deuxième rencontre : le monde associatif. Églantine Éméyé avait créé une association pour organiser la prise en charge de son fils, en s’appuyant sur son réseau familial et amical. Bientôt rejointe par d’autres familles, une petite école avait été ouverte, regroupant plusieurs enfants aux difficultés proches. Ayant décidé de confier la gestion de cet établissement à une grosse institution déjà gérante de plusieurs IME, il fallut bientôt déchanter : la petite équipe autogérée fonctionnant sur le principe d’un adulte pour un enfant dut bien vite entrer dans les cases d’une hiérarchie et de règles de fonctionnement très éloignées de la convivialité et de la souplesse initiales.
Enfin, dernière rencontre : celle de la méthode ABA (applied behaviuor analysis : analyse appliquée du comportement). Ce qui aurait pu s’avérer une technique complémentaire et flexible s’est montrée très vite exclusive et dogmatique. Son protocole très strict exigeant que toute personne interagissant avec l’enfant soit formée et filmée, excluant toute intervention non conforme à la méthode préconisée, entraînera le retrait de l’équipe, le manque de conviction et l’esprit critique de la maman étant mis en cause.
Témoignage émouvant fait de courage, de dévouement et de réalisme, ce livre rend visible une réalité partagée par bien des familles, mais trop peu connue.
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Collectif (sous la coordination de Marie-Anne Divet)