N° 867 | Le 10 janvier 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il est vrai que notre société est marquée par un brouillage des frontières, tant entre les sexes qu’entre les âges. Pour autant, que l’on possède de plus en plus jeune des droits n’implique pas de les avoir tous, ni que les parents soient dépossédés de leurs responsabilités. À certains moments, l’enfant se doit d’être protégé, ses parents prenant alors les décisions à sa place. À d’autres moments, selon le principe qui veut que l’autonomie ne se décrète pas, mais qu’elle se prend, il doit pouvoir être associé à ce qui le concerne. Ces précautions prises, on peut néanmoins discerner les signes de l’émergence d’un nouvel âge que François de Singly dénomme joliment par le néologisme d’« adonaissant ». Cette étape est marquée par une double prise de distance.
D’abord à l’égard de l’enfance que le sujet quitte doucement. C’est ensuite, l’éloignement par rapport à ses parents : le nous familial est déstabilisé par le nous générationnel, l’appartenance à une famille entre en contradiction avec la référence au groupe de pairs. C’est l’époque où l’on ne supporte plus de voir ses parents vous accompagner au collège. On sort de la voiture le plus vite possible, pour ne pas se faire voir. On préfère flâner en ville, sortir au cinéma ou encore faire les magasins entre copains ou copines. Si l’on accepte d’évoquer les problèmes scolaires en famille, on commence à éviter d’aborder les problèmes affectifs ou amicaux. C’est là le produit entre autres d’une évolution notable des modes d’éducation. Les qualités souhaitées par les parents chez leurs enfants étaient en 1924, dans l’ordre : l’obéissance, le patriotisme et les bonnes manières. Le tiercé gagnant est bien différent en 1978 : l’indépendance, la tolérance, l’attention aux problèmes de société.
Du coup, la ligne de partage est devenue floue entre trop de protection et trop d’autonomie, trop de sollicitude parentale et trop de liberté, entre le permis et l’interdit et à l’intérieur de l’interdit entre la transgression tolérée et ce qui est strictement exigé. L’enfant se retrouve donc à gérer ce nouveau pouvoir sur soi, nécessitant une maturation accélérée. Cette affirmation de soi peut alors prendre la forme d’un fort investissement dans les études. C’est souvent le cas chez les filles. Elle prend très souvent le chemin d’un net marquage du genre, chaque sexe restant entre soi et jalonnant sa différence dans ses goûts et choix de modèles.
Ainsi, les murs des chambres des filles se tapissent à 74 % de posters de chanteurs, quand ceux des garçons se recouvrent à 91 % de photos de sportifs. L’auteur établit une distinction entre les milieux populaires (où l’identification à la culture jeune n’est pas jugée comme menaçante) et les milieux aisés (très attentifs au contrôle de l’investissement scolaire qu’on croit concurrencé par l’influence des pairs). Il en appelle à transcender l’opposition entre épanouissement personnel et réussite sociale seule voie pour réussir la réalisation de soi.
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