N° 914 | Le 29 janvier 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les bandes de jeunes. Des “blousons noirs” à nos jours
Sous la direction de Marwan Mohammed & Laurent Mucchielli
Aujourd’hui, les bandes venant des banlieues font peur. Dans les années 1960, les blousons noirs faisaient trembler le bourgeois. Dans la première décennie du XXe siècle, c’était les « apaches » qui faisaient parler d’eux. Il est fort à parier que dans les décennies à venir, la bande fera parler d’elle sous une nouvelle forme. A chaque fois, c’est la modernité qui est mise en accusation à cause de ce qu’elle engendre comme effritement des cadres traditionnels et délitement de la famille. Bien sûr, la délinquance juvénile n’est pas une simple construction : elle existe vraiment. Mais, elle est infiniment dépendante de la façon dont la société en parle.
En commençant par la notion même de bande dont l’histoire sémantique se situe d’emblée du côté de l’imaginaire guerrier, de la déviance et de la marginalité. D’où l’intérêt de cet ouvrage qui permet de faire le point sur cette question. La jeunesse a toujours été un âge de la vie où l’on cherche à participer à des activités spécifiques en fonction de ses centres d’intérêts, à vivre des expériences ludiques et à développer des réseaux relationnels. Cela peut se faire au sein de groupes institutionnels (les classes scolaires, les équipes sportives…), mais aussi de regroupements informels autour d’une même activité (match, concert…) ou encore d’agglomérats spontanés sans structure, ni cohésion (dans un centre commercial ou dans le hall des immeubles).
Ces formes de rassemblements entre pairs ne doivent pas être confondus avec la bande qui, pour être elle aussi fondée sur l’envie d’être ensemble, induit une dimension supplémentaire : la recherche d’un minimum de solidarité et de compréhension réciproques. On y trouve un accueil bienveillant et une reconnaissance. Le repli sur soi et le refus de communiquer avec l’extérieur en sont des éléments centraux. La socialisation basée sur l’honneur et la réputation qu’elle confère révèlent la défaillance des deux institutions principales d’éducation que sont la famille et l’école. Elle montre la « faillite des démocraties libérales contemporaines quant à leur capacité à proposer un avenir valable à certains de leurs adolescents » (p.375). Pour autant, la bande est une affaire de génération. Elle est marquée par l’instabilité et l’absence de formalisme. Aucune ne résiste au passage à l’âge adulte et à la dispersion de ses membres pour des raisons professionnelles, personnelles ou familiales.
Les auteurs prennent bien soin de distinguer ce que nous vivons, de ce qui se passe dans certains pays, là où le déficit de l’Etat social laisse peu de chance de survivre en dehors d’un gang qui propose une véritable contre-société avec ses propres normes, hiérarchies, règles, codes, langages.
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