N° 643 | Le 21 novembre 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Ce n’est que très progressivement que la citoyenneté a acquis son caractère universel : ainsi, dans notre pays, ce n’est qu’en 1848 que les ouvriers et les paysans obtiennent le droit de vote, en 1944, c’est au tour des femmes et en 1974 des jeunes de 18 ans. Aujourd’hui, se pose la question de l’accès à la citoyenneté de la seule partie de l’humanité pour qui cela pose problème : les enfants. D’un côté, le fait de considérer l’enfant comme une personne à part entière, ayant la même dignité et les mêmes droits que les adultes nous incite à reconsidérer nos habitudes d’appropriation, d’autorité et de directivité à leur égard. De l’autre notre responsabilité est engagée, en tant qu’adulte, pour protéger et guider des êtres dont l’immaturité et l’inexpérience nécessitent une prise en compte particulière. Il est possible de répondre à cette contradiction, en cheminant autour du concept de citoyenneté.
Pour les uns (héritage de la Grèce et de Rome), le citoyen est avant tout membre d’une société politique : les droits individuels sont subordonnés aux devoirs sociaux. Pour les autres (tradition libérale de Jefferson et de Locke), tous les individus sont dépositaires de droits inaliénables de par leur naissance. Il convient peut-être alors de distinguer entre droits de l’homme (propres à tout être humain) et droits du citoyen (titulaire de droits civiques, politiques et socio-économiques de par son appartenance à une communauté). Exercer son rôle de citoyen implique compétences, engagement, prise de conscience des responsabilités et de leurs implications. Il y aurait donc nécessité d’un apprentissage, d’une acquisition qui se ferait progressivement. Et c’est du rôle de l’éducation que d’accomplir cette tâche.
Chaque collectivité d’enfants doit ainsi créer son organisation institutionnelle dans le respect des principes, des libertés, des droits et des obligations. Au premier rang des institutions susceptibles d’adopter cette démarche : l’école. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas. « On nous demande de respecter des lois et des règles que les adultes ne respectent pas eux-mêmes » pourraient affirmer bien des enfants. Ainsi de cette réflexion faite à un groupe d’instituteurs exigeant un minimum de propreté dans la cour de l’école : « Est-ce qu’on doit aussi ramasser les mégots jetés par les maîtres ? ». Cette démarche existe pourtant bien, appliquée depuis des années dans les classes coopératives.
Cette communauté d’apprentissage fonctionne sur la base de la coopération, l’échange, l’entraide et le partage des savoirs : la réussite de chacun est l’affaire de tous. Toutes les décisions concernant l’organisation des activités collectives et les règles de vie sont prises ensemble. L’enfant y est confronté à des libertés et à des contraintes, à une responsabilisation et à une protection, creuset d’une authentique citoyenneté en pleine construction.
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