N° 1055 | Le 22 mars 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les jours heureux. Le programme du Conseil national de la Résistance de mars 1944
Citoyens résistants d’hier et aujourd’hui
Nous sommes le 24 mars 1944. La guerre va durer encore un an. Le pays est, pour quelques mois encore, sous la botte des nazis. Les mouvements clandestins, regroupés au sein du Conseil national de la résistance, adoptent à l’unanimité un programme issu d’un compromis entre deux propositions présentées respectivement par la SFIO et la CGT. Son titre est optimiste : Les jours heureux. Son contenu l’est encore plus. Il fixe un plan d’action immédiat pour lutter contre l’occupant et le régime de Vichy. Mais il se projette aussi après la Libération, avançant des propositions destinées à concrétiser le rêve d’un monde meilleur et d’une société nouvelle sur laquelle soufflerait l’esprit des combattants de la liberté.
Aux souffrances endurées depuis le début de l’occupation doit succéder une organisation politique, économique et sociale plus juste. Les principes énoncés vont constituer les fondements du pacte social français. Toutes les décisions qui seront prises, dans les années qui suivent la Libération, s’en inspireront : création d’un système de Sécurité sociale, démocratisation de la vie des entreprises, édification d’un véritable service public, nationalisation de l’énergie et des transports, de la Banque de France et du crédit, planification de l’économie, confiscation des journaux ayant collaboré et indépendance de la presse à l’égard des puissances d’argent, reconnaissance du droit au travail et au repos, du droit à l’instruction et à la retraite, rétablissement des libertés publiques et syndicales…
Nous sommes le 4 octobre 2007. Le président Sarkozy vient d’être élu, quatre mois auparavant. Denis Kessler, éminence grise du Medef, donne une interview au magazine Challenges : « Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses […] À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux […] Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! » Il ne reste plus aux auteurs de l’ouvrage qu’à passer en revue l’entreprise de démolition des acquis du programme du CNR : attaques répétées contre la Sécurité sociale, déréglementation financière des banques, laminage des services publics, remise en cause du droit du travail. Encore un petit effort et les prédictions de Denis Kessler se confirmeront. À moins, que…
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