N° 1146 | Le 4 septembre 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les microlycées - Accueillir les décrocheurs, changer l’école
Nathalie Broux, Éric de Saint-Denis
Jusqu’aux années 2000, le sort des décrocheurs intéressa bien peu l’Education nationale. Les 120 000 à 150 000 élèves abandonnant leur scolarité en cours d’année passaient par pertes et profits. L’émergence des microlycées constitue un virage. Même s’il s’agit là d’une infime goutte d’eau, une fourchette variant de 0,14 à 0,18 % des élèves concernés, on ne peut que saluer cette expérimentation permettant à ceux d’entre-eux qui ont connu un parcours chaotique de se présenter au bac avec un succès dépassant les 80 %.
Comment cela fonctionne-t-il ? Les auteurs nous en font une description précise et détaillée. Chaque adolescent est accompagné individuellement par un enseignant référent qui le reconnaît dans ses difficultés et conçoit avec lui un projet scolaire sur mesure et au cas par cas. L’inscription dans l’établissement ne fait pas disparaître la problématique à l’origine du décrochage. L’élève doit réapprendre à se présenter tous les jours, à être à l’heure, à se remettre au travail et à s’articuler au projet collectif du lycée. La motivation n’est pas considérée ici comme un pré-requis, mais comme une donnée qui se travaille, se renforce, se stimule, sans jamais être acquise une bonne fois pour toutes.
Aussi, les carences dans l’assiduité font-elles partie intégrante du cheminement, l’équipe se refusant à sanctionner les raisons pour lesquelles les élèves sont là ! Les enseignants utilisent des méthodologies issues de l’Ecole nouvelle ou de la pédagogie institutionnelle. Ce qui n’est pas sans déstabiliser des adolescents dans l’attente d’une certaine norme scolaire et sociale. Ils travaillent en équipe et en interdisciplinarité, cherchant par le détour et l’encouragement à faire progresser leurs élèves, non dans un esprit de compétition, mais dans une dynamique de bienveillance et de coopération.
L’objectif étant de leur redonner confiance en eux, les adultes se doivent de constituer des repères fiables et stables, présents à leurs côtés jusque et y compris lors des résultats à la mi-juillet. Les deux auteurs décrivent la genèse des microlycées et l’utilisation par une poignée d’enseignants de dispositifs innovants acceptés par l’institution : les modules constitués à partir de groupes de besoins, les travaux personnels encadrés et l’article 34 de la loi d’orientation autorisant le caractère dérogatoire des expérimentations. Ils démontrent avec justesse comment la réussite dont ils sont les acteurs remet en cause le fonctionnement d’un système scolaire contribuant à fabriquer l’échec et les incivilités qui l’accompagnent. Parce que les trois microlycées existant sont la preuve vivante qu’une autre école est possible, et non pas une seule privilégiant la sélection des meilleurs, ils sont condamnés à rester confidentiels.
Si l’on mesure bien le gâchis, il reste la lecture de cet ouvrage passionnant.
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