N° 1144 | Le 26 juin 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Dans la rhétorique raciste et xénophobe, la culture a remplacé la race comme vecteur principal de défense d’une identité nationale qui serait issue d’un soi-disant peuple indo-européen originel. Aussi, l’étude à la fois historique et philosophique, ethnologique et sociologique proposée par Régis Meyran et Valéry Rasplus est-elle la bienvenue, pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette mutation ressemblant à un mauvais tour de passe-passe. C’est à la fin du XVIIIè siècle, qu’est élaboré en Allemagne le corpus théorique cherchant à attribuer à une population donnée une manière commune de penser et d’agir : le concept germanique de kultur fait alors le pendant à la notion française de civilisation.
Définissant un ensemble de savoirs, de croyances, de pratiques artistiques, de préceptes moraux structurés en un tout cohérent, la culture est devenue un modèle théorique largement reconnu pour mieux cerner et comprendre les réalités ethniques. Trois dérives ont entaché son utilisation : le relativisme culturel, le culturalisme et le différentialisme culturel. Le premier distingue les différentes cultures, en postulant qu’elles sont irréductibles les unes par rapport aux autres. Le deuxième prétend expliquer les comportements des individus à partir de leur origine culturelle. Le troisième affirme que les cultures devraient se protéger les unes des autres, afin de garder leur pureté. Le glissement est net entre identifier des constantes chez un peuple et l’enfermer dans une personnalité organique de base, instance éternelle, figée et refermée sur elle-même.
La réalité est infiniment plus complexe, tant il est difficile d’appréhender quelque culture que ce soit autrement que comme le produit de la combinaison d’influences multiples qui, loin d’être une atteinte ou une menace, constitue un formidable enrichissement réciproque.
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