N° 1111 | Le 27 juin 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Ce petit ouvrage plus que réjouissant redonne foi en l’humanité. Longtemps absente du procès pénal, la victime a eu tendance ces dernières années à devenir envahissante, menaçant le système judiciaire d’une forme larvée de confiscation au profit de la vengeance privatisée. Sortir du face à face exclusivement rétributif (à une transgression correspond une peine) relève d’un défi et d’un enjeu d’humanisation : démontrer que la société est dans la capacité à la fois de réparer la victime et de rétablir la paix sociale, mais aussi de resocialiser l’auteur d’infraction.
C’est l’ambition de la justice restauratrice qui a commencé à se développer au Québec dès les années 1970, avant de gagner tardivement notre pays. Utilisée initialement outre-Atlantique dans le champ des litiges de faible intensité, elle a ensuite été étendue aux domaines sociaux et familiaux, puis au droit du travail, avant d’être appliquée au domaine pénal. En France, nous en sommes loin. Elle a pourtant inspiré, tout d’abord, la médiation-réparation (pour les mineurs) et la médiation pénale (pour les majeurs), permettant au minimum d’engager l’infracteur dans une mesure réparative de l’acte commis et au mieux de lui faire rencontrer sa victime, en face à face. L’autre application, longuement décrite dans l’ouvrage, c’est l’organisation de rencontres entre un groupe de détenus et un groupe de victimes.
Cette expérience unique dans notre pays a eu lieu à Poissy, grâce au projet monté par l’Inavem (fédération nationale d’aide aux victimes et de médiation), le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) et le personnel pénitentiaire de la Maison centrale. Curieux face à face que celui mettant en contact des détenus condamnés pour des crimes graves et des victimes de violentes agressions, qui ne s’étaient jamais croisés avant. Ni règlements de compte, ni demande de pardon, pas plus qu’une tentative de réconciliation, ces rencontres ont pour seul objectif de confronter des subjectivités, d’exprimer des émotions et de témoigner d’un vécu.
Déconstruire les représentations que chacun peut avoir de l’autre, se retrouver dans une commune humanité, établir une communication réciproque et empathique, tels en sont les corollaires. Ces rendez-vous se faisant dans la plus stricte confidentialité et l’anonymat absolu, ils ne peuvent d’aucune manière être utilisés par les détenus dans l’aménagement ultérieur de leur peine. Même s’ils ne garantiront jamais ni l’absence de récidive des uns, ni le rétablissement total des autres, ces échanges ont fait l’objet d’évaluations encourageantes : la reconnaissance de la souffrance subie et le rétablissement du lien social sont déjà des avancées.
Les contributions réunies par Robert Cario alternent, avec bonheur, les émotions vécues lors de ces rencontres et les explications juridiques et techniques de leur organisation.
Dans le même numéro
Critiques de livres