N° 834 | Le 29 mars 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Les tout-petits ont-ils des préjugés ?
Sous la direction de Christa Preissing & Petra Wagner
Dès l’âge de quatre ou cinq ans, les enfants s’identifient à leur groupe de référence et établissent une différence avec les cultures distinctes de la leur. D’où l’importance d’assurer très tôt une éducation qui peut s’avérer déterminante sur ce qu’ils feront une fois devenus adultes. « Apprendre à être sans préjugés est un chemin riche d’événements sur lequel chacun peut découvrir beaucoup sur soi et sur les autres » (p.14).
Au contraire de la tolérance qui induit une notion de hiérarchie, la majorité détenant le pouvoir et l’influence daignant accepter la minorité (la racine latine du mot est tolerare : supporter, endurer, nourrir provisoirement…), l’éducation antidiscriminatoire s’appuie sur une rencontre équilibrée. Elle s’oppose à une catégorisation qui n’est pas seulement descriptive mais est aussi liée à des clichés collectifs : l’apparence, le sexe, le style de vie, le mode et le lieu d’habitation, la langue, les talents ou les difficultés individuelles, l’orientation sexuelle… peuvent se transformer en autant de stéréotypes. Elle reconnaît les compétences des personnes sans que leurs limites et leurs fragilités soient pour autant ignorées. « Le regard qui n’est tourné que vers leur particularité devient un regard de déficit » (p.23).
À l’inverse, nier les particularités sous prétexte d’égalité revient à se figer dans l’uniformité. Chaque enfant a besoin d’attention et de reconnaissance individuelles. « Tous les enfants sont égaux et chaque enfant est particulier » (p. 93). Il doit se sentir estimé en tant qu’individu et membre d’un groupe social particulier. Mais peut-il se sentir légitimement appartenir à deux cultures si la référence à l’une exclut la référence à l’autre ?
L’éducation antidiscriminatoire propose une méthodologie en quatre objectifs. Il s’agit dans un premier temps de prendre conscience de ses propres références culturelles en sachant les identifier et les relativiser. Cela passe par la confrontation à sa propre identité et à sa propre imprégnation culturelle. Second objectif, les adultes doivent eux-mêmes aller à la rencontre d’autres groupes d’appartenance en partageant avec eux des moments de vie et des expériences communes. C’est l’un des moyens de permettre à l’enfant lui-même de vivre ces mêmes échanges avec des personnes différentes et des comportements distincts de ceux auxquels il est habitué. Troisième objectif, les adultes doivent se montrer eux-mêmes critiques envers les discriminations et les préjugés. Les éducateurs doivent démontrer qu’il n’existe pas de hiérarchie d’idées normalisées. Dernier objectif : impulser et entretenir le dialogue avec les enfants en stimulant leur réflexion sur ces questions. C’est la meilleure façon d’éviter que l’éducation donnée aux enfants ne s’enferme dans une vision étroitement mono culture
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