N° 920 | Le 12 mars 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il est très courant de médicaliser ou de psychiatriser les manifestations de l’enfant qui nous dérangent. Cela a l’immense avantage de nous éviter d’avoir à nous poser la question de ce qu’elles peuvent bien signifier. Jean-Marie Forget nous met en garde contre un traitement qui aboutirait à une catégorisation rigide de fragilités qui ne sont, le plus souvent, que transitoires.
Ces troubles du comportement posent la question du lien entre la pensée et l’agir, entre le singulier et le collectif, entre la délinquance et la maladie. La psychiatrie y voit une psychopathie, la systémie un défaut de fonctionnement du système familial, la psychologie du moi une nouvelle pathologie génétiquement déterminée. Pour l’école psychanalytique à laquelle l’auteur se réfère, il s’agirait bien plutôt d’un défaut de pensée et de mise en mots. Ces conduites asociales seraient autant de mises en scène venant suppléer ce qui n’arrive pas à se dire. Des adultes suffisamment attentifs et bienveillants devraient pouvoir écouter l’enfant et lui offrir un espace lui permettant de s’exprimer. C’est parce que nous ne sommes pas en capacité de reconnaître la légitimité de sa parole, qu’il n’a d’autre choix que le passage à l’acte. Les réactions impulsives des plus jeunes doivent être interprétées comme autant de révélateurs des excès du monde adulte.
Notre fiabilité éducative à leur égard se mesure à notre capacité à différer la réalisation de leur satisfaction et à permettre ainsi la restriction de leur jouissance. Mais comment peut-on éviter la disqualification de notre rôle, alors même que nous partageons la même quête d’immédiateté et de plaisir ? « Les incitations du monde actuel d’une jouissance à tout prix se renforcent de la désagrégation des repères symboliques (religieux, moraux ou idéologiques) à même de leur marquer un frein » (p.74). Certes, l’adulte doit être en capacité de sanctionner toute transgression, non seulement pour témoigner qu’il n’est pas complice mais aussi pour démontrer que ce qui a été dit a bien été pris en compte. Mais, il doit tout autant comprendre que l’adolescent qui agit ainsi, est avant tout à une place qui symbolise tout particulièrement le désir de ses parents.
Et pour l’aider à s’arrêter, il doit lui donner les moyens de se dégager, de se décaler de la place où il reste l’objet de l’autre, et notamment l’objet de ses parents. Il est aberrant de vouloir rééduquer un symptôme. Il faut au contraire lui permettre de se déployer et de se traduire en sens, même si constituer des liens et structurer une rencontre demande plus de temps que de prescrire un traitement.
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