N° 687 | Le 20 novembre 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
François de Singly a un credo et il ne se prive pas de le réaffirmer avec une certaine conviction : « L’individu individualisé ne peut rechercher son originalité, ne peut laisser exprimer son authenticité qu’à condition d’être libre de choisir le début et la fin de ses attachements ». Pour l’auteur en effet, il n’y a de véritable liberté que lorsqu’un individu peut effectivement exercer une forme de rupture avec un engagement, quelle qu’en soit la nature. En particulier, il doit toujours rester possible de mettre à distance les « acquis » culturels car, en réalité, ceux-ci s’avèrent intériorisés de manière assez passive.
Aujourd’hui pourtant, au nom des racines et de l’impérieuse nécessité de disposer de repères solides, nombreux sont ceux qui prônent une sorte de retour quasi imposé aux « origines ». Les nouveaux communautarismes nourrissent ainsi jusqu’au débat philosophique, les tenants d’une certaine stabilité fondée sur le poids du passé s’opposant aux partisans « frivoles » de la religion du libre consentement. La revendication plus ou moins véhémente d’un apprentissage obligatoire des langues régionales, au nom du respect des « origines », est une bonne illustration de ce nouveau repli communautaire.
Mais cette vision des choses, pour généreuse qu’elle puisse paraître au premier abord, peut également être porteuse de dérives préjudiciables dans le sens où elle tend à rattacher d’office un individu, sans trop se soucier de ses propres aspirations, à la culture des générations antérieures. Or, ce qui semble primordial, c’est bien aussi le droit de sélectionner dans son passé ce que l’on souhaite en retenir. Ce droit d’inventaire permet en effet aux individus de choisir en toute conscience les appartenances qu’ils entendent maintenir, voire réactualiser et celles dont ils ne veulent pas se réclamer.
Aussi, s’il est effectivement important de mettre à disposition les éléments de la culture d’origine, il est sans doute aussi fondamental de fournir les outils pour en faire une lecture critique. De la sorte, une véritable émancipation devient possible, les individus choisissant librement d’assumer ou non un héritage et dans quelle mesure. L’appartenance devient alors l’expression d’une volonté et non plus le résultat d’une transmission automatique. « En mettant en son centre le consentement, la société moderne refuse la loi de la jungle », nous indique l’auteur, apôtre zélé des appartenances choisies. L’ensemble du livre témoigne de cette ferveur.
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