Loisirs d’un éducateur. Précis de désillusion

L’art de l’auto-flagellation

Est-ce par amertume ou par lucidité, par dérision ou par conviction, sous l’effet d’un épuisement ou d’une salutaire prise de conscience ? Le regard que porte l’auteur sur sa profession d’éducateur est sans concession. Il relève de ce qu’il nomme d’emblée lui-même «  des petits morceaux d’éthique en négatif  ». Se mêlent dès lors un diagnostic clairvoyant et un jugement radical. Certes, c’est là un métier où la prétention au non-jugement confine à l’impuissance, alors qu’il vaudrait mieux s’autoriser à juger et décider ensuite quoi en faire. Où il apparaît nécessaire de faire le tri entre le savoir professionnel et ce qui relève de la croyance, de l’opinion et de la projection pure et simple. Où la prétention à objectiver se heurte à une réalité qui ne se laisse jamais enfermer dans aucune grille d’évaluation. Pour autant, l’éducateur est-il incapable de création sur la toile métaphorique que constitue la relation, n’y parvenant que par erreur ou indépendamment de sa volonté ? Jouit-il face aux détails de la misère, comme le feraient des asticots d’une inépuisable charogne ? Y a-t-il un sentiment de domination derrière toute relation éducative ? Est-il un cas social se cachant derrière le marginal et le désespéré qu’il accompagne ? Ne sait-il rien, tout en ayant l’air d’en savoir plus que les autres ? Au lecteur d’en juger. Voilà un livre fort bien écrit qui pourrait irriter autant qu’enthousiasmer !

Jacques Trémintin