N° 631 | Le 29 août 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
S’il est quelque chose de commun entre le système éducatif d’hier et celui d’aujourd’hui, c’est bien qu’il reste le tout premier lieu de socialisation, d’apprentissage du groupe et de la vie en société. À ce titre, il fonctionne comme un reflet d’un monde qui comporte son côté miel et son côté vinaigre. À preuve ces lettres adressées à France Inter et qui ont été regroupées dans un petit livre d’une grande qualité d’écriture toujours et d’une intense émotion parfois.
Il y a les témoignages reconnaissants ? « Il préférait donner des friandises à ceux qui faisaient des efforts que des punitions aux turbulents. Jamais je n’ai aussi bien travaillé : ce n’était pas pour les chocolats, mais c’était pour lui faire plaisir ! En français, j’étais imbattable. Depuis, j’ai oublié mon français, mais je n’ai pas oublié son bras sur mes épaules lorsqu’il me serrait contre son côté, pour me féliciter. » François (p.23).
« C’est alors que m’ayant fait lever les yeux, vous m’avez pris par les épaules et vous avez lancé la phrase magique on t’a toujours dit que tu étais nul. C’est faux ! Personne n’est nul, et si tu le veux, tu peux réussir, cela ne tient qu’à toi : il faut que tu apprennes tes leçons ; je t’aiderai. Je sais que tu le peux ! À partir de cet instant, cher maître, et grâce à vous, ma vie a changé. » René (p.87). « Je garde en mémoire cette phrase de vous, annotée d’un rouge correcteur, au bas de ma dernière rédaction : il n’y a que les imbéciles pour juger un homme au poids de ses diplômes. Cette évidence, cette vérité, je l’affectionne encore. » Christophe (p.140).
Et puis, il y a les souvenirs cuisants : « Vous avez été un maître, en effet. Un maître, parce que vous m’avez appris : appris à craindre l’arbitraire des adultes, appris à me méfier, appris à garder le silence et à croiser les bras, pour éviter votre violence. Et puis vous m’avez fait comprendre la faiblesse de l’autorité qui n’a aucun fondement, l’idiotie des punitions gratuites, la vulnérabilité des grandes personnes parfois aussi méchantes que des enfants, le non-sens des normes imposées au hasard.
L’absurdité. Jamais je n’ai compris si vous étiez un sadique ou un homme malheureux. » Louisa (p.29). « Dès que je franchissais le seuil de vote classe, ma vie ralentissait puis s’arrêtait. Votre heure de classe était une longue torture, une réclusion à perpétuité. Pourtant de tout cela je vous remercie, car vous m’avez, sans le savoir, donné envie de faire votre métier. Pour ne surtout pas vous ressembler. » Maria (p.33-34). « Le portrait de mon bourreau est banal. Ils sont des milliers comme cela. Mais je l’écris pour tous ceux qui ont des mots de l’école gravés en eux ; des jugements de profs qu’ils ont pris comme des claques, des zéros notés sur des copies qui les ont transformés eux-mêmes en zéros ? » François (p.62).
Que de joie et de misère humaine l’on peut donner que l’on soit enseignant, parents ou éducateur.
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