N° 764 | Le 8 septembre 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
S’il est bien une culpabilité mal placée, c’est celle dont on a, pendant longtemps, chargé les mères, accusées de nuire à leur fils par le trop plein d’amour et de tendresse qu’elles leur accordaient. L’auteur le proclame haut et fort, bien décidé à pourfendre cette idée reçue : l’amour d’une mère est avant tout et surtout source de bienfaits pour son fils.
Bien sûr, il y a cette étrangeté qui s’empare de la femme face au sexe de son enfant mâle : avec une fille, elle s’identifie aux sensations corporelles d’un être qui lui ressemble, alors que là, tout est différent. Bien sûr il y a ces mères qui semblent hantées par la crainte de perdre l’amour de leur fils et qui font tout pour le préserver. Leur enfant ne pourra se détacher d’elles, qu’en s’opposant systématiquement à ce qu’elles attendent de lui. Bien sûr, il y a ces projections maternelles de ses propres idéaux qui peuvent constituer tout autant un moteur qu’un frein à toute tentative d’individualisation. Mais, ce qu’attend surtout un garçon de sa mère, c’est un modèle féminin lui donnant envie de se tourner vers une autre femme.
En tout cas, une chose est sûre : on ne peut construire sa personnalité que si l’on est reconnu par ses parents et en premier par sa mère. Et cette dernière peut être pour son fils tout à la fois sublime et bienveillante, amoureuse et passionnée, féroce et protectrice, possessive et castratrice, craintive et lointaine. Relier telle dimension de la personnalité de l’enfant à telle attitude particulière de sa mère est bien aléatoire, tant il est difficile de distinguer le biologique du culturel. Dès la naissance, tout parent trouve que son garçon est plus alerte et plus robuste, alors que sa fille lui apparaîtra plus douce, plus jolie, plus délicate ! Les bébés des deux sexes partagent pourtant les mêmes émotions. Mais ils ne les expriment pas de la même façon. Les garçons communiquent plus par des gestes et des cris que par des mots.
Ainsi, pour calmer leurs angoisses, leur mère aura-t-elle plutôt tendance à les caresser, alors qu’elles choisiront de parler à leur bébé fille. Ces contacts physiques sont bienfaisants tant que l’enfant est, de par sa physiologie, immature. Mais quand il grandit, ces touchers pourront provoquer colère et agressivité. À l’adolescence, le taux de testostérone augmente de 800 % et est huit à dix fois plus concentré chez le garçon que chez la fille, provoquant une agressivité décuplée d’autant moins contrôlée que l’élagage neuronal du cortex préfrontal n’est pas encore terminé, ce qui freine la capacité à réfléchir avant d’agir et à peser les conséquences de ses actes. Pour se sentir exister, un garçon utilise donc plus volontiers l’opposition que le charme. Ce qui n’est pas le cas de leurs mères qui sont toujours tentées d’associer la séduction à l’autorité, ce mélange devant être manié avec précaution, trop de séduction pouvant détruire l’autorité et trop d’autorité annuler les effets de la séduction.
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