N° 604 | Le 10 janvier 2002 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
On a longtemps cru que les émotions perturbaient le processus de décision. On sait aujourd’hui qu’elles nous rendent raisonnables. Isabelle Filliozat, qui n’en est pas à son coup d’essai sur ce thème, persiste et signe : nos émotions nous guident dans nos choix quotidiens, orientent nos actes, nourrissent nos pensées. Elle ne deviennent destructrices que lorsqu’elles ne peuvent être vécues, exprimées et entendues. Tout au long de l’ouvrage, elle en fait la démonstration, expliquant comment il faut apprendre à identifier nos ressentis, au travers d’une véritable grammaire émotionnelle. Toute une série de mécanismes se sont en effet mis en place, pour gérer à notre place ces émotions que nous ne nous autorisons pas à assumer. En prendre enfin la responsabilité, c’est alors trouver la voie pour arrêter de nous reprocher les uns les autres nos comportements respectifs.
Ainsi, en va-t-il de ces émotions élastiques qui nous proviennent du fin fond de notre passé et qui interviennent dans notre présent, comme autant d’épisodes non réglés de notre histoire. C’est aussi le cas de ces sentiments de substitution qui viennent, en lieu et place d’un autre sentiment, exprimer ce qui va apparaître alors dans la plus grande confusion. C’est encore le mécanisme de projection qui nous fait dire aux autres ce qui est avant tout l’expression de nous-même. Combien de fois n’attribuons-nous pas à autrui, le sentiment ou le problème que nous refusons de voir en nous ? « Il est stupéfiant de constater combien nous ne parlons jamais que de nous-même » (p.77).
Et la collection de timbre ? Cette accumulation de sentiments qu’on a renoncé à exprimer et qui, un beau jour, explosent (en faisant souvent beaucoup de dégât dans notre entourage) ou implosent (provoquant alors des troubles physiques ou psychiques). La pomme de terre chaude, elle, se transmet de génération en génération : répéter ce qu’on fait nos ancêtres ou au contraire essayer de réparer nos parents, et c’est notre vie qui prend une direction non vraiment voulue. Sans oublier cette contagion qui nous gagne quand l’émotion d’autrui entre en résonance avec des émotions refoulées en soi. Autant un sentiment non exprimé se déguise souvent en comportement désagréable, autant des émotions réactives et fonctionnelles sont garantes d’une véritable réussite personnelle et sociale.
Que ce soit dans le monde du travail, dans le couple ou à l’égard de ses propres parents, l’auteur évoque les dysfonctionnements majeurs qui perturbent les relations. Elle propose exercices et réflexion permettant d’y échapper. Savoir donner, mais aussi savoir recevoir, savoir demander, mais aussi savoir refuser, accepter ses émotions pour atteindre les besoins qu’elles expriment, s’aimer soi-même pour accéder à l’amour de l’autre, savoir s’assumer et ne pas demander à l’autre de le faire à sa place etc. sont autant de pistes à méditer.
Dans le même numéro
Critiques de livres