N° 1056 | Le 29 mars 2012 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Il est courant d’entendre des discours dénonçant une forte proportion de mineurs délinquants largement impunis par une justice laxiste. La réalité est tout autre : sur les 13,5 millions d’enfants et d’adolescents qui grandissent sans problèmes majeurs, 76 164 d’entre eux ont été présentés devant un juge pour enfants en 2009, soit 0,5 % de toute une génération. Et le taux de réponse pénale, pour les mineurs, s’élevait la même année à 92,9 %.
Au-delà des chiffres bruts, il y a ce que vit Dominique Pinson au quotidien. Cet éducateur spécialisé, qui a travaillé pendant quinze ans dans une association de protection de l’enfance, exerce depuis 2003 dans un service de traitement de la délinquance des mineurs. Le précieux témoignage qu’il nous livre ici permet de décrire avec précision l’une des mesures phare de la troisième voie pénale (entre poursuite judiciaire et classement sans suite) qu’il fait appliquer : la réparation pénale. Cette procédure, mise en œuvre par la justice, a été introduite dans l’ordonnance du 2 février 1945 (à l’article 12-1), par la loi du 4 janvier 1993. Il s’agit d’amener le mineur à réparer, directement au profit de la victime ou indirectement au bénéfice d’une collectivité, l’acte délictuel qu’il a commis.
Comment se déroule concrètement cette mesure ? Elle se conjugue sur trois modes : l’oral, l’écrit et l’agi. La parole, tout d’abord, est importante, parce qu’elle permet d’établir une relation de confiance basée sur l’écoute et le dialogue : elle favorise la reconnaissance de l’acte posé et donne la possibilité d’analyser les motivations initiales de l’auteur et les conséquences de son acte. Le courrier, ensuite, illustré par les nombreuses lettres publiées par l’auteur. Ce peut être la lettre adressée au travailleur social pour lui reformuler ce qui a été abordé lors de l’entretien. Mais aussi le courrier rédigé à l’intention de la victime pour exprimer des regrets et lui présenter des excuses. La mise en activité, enfin, auprès de sites (maison de retraite, pompiers, associations caritatives) susceptibles d’accueillir ces mineurs et leur permettre de fournir un travail considéré comme réparateur.
La réparation pénale est efficace : 80 % des jeunes concernés ne récidivent pas. Ce succès tient à plusieurs raisons. D’abord, bien sûr, cette implication personnalisée demandée à l’auteur qui favorise sa prise de conscience ainsi que sa compréhension de la nuisance commise. Mais c’est aussi la futilité de certains actes que le principe de tolérance zéro contraint à être néanmoins traités par cette procédure, alors qu’ils auraient pu être réglés par les familles ou les institutions traditionnelles. Il est plus facile de réparer un stop non respecté qu’un homicide.
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